Mais Foxcatcher, c’est bien plus qu’une simple affaire de meurtre. Le vrai John E. du Pont (Steve Carell dans le film), était l’héritier de l’une des familles les plus riches et les plus influentes des Etats-Unis, et les lutteurs qu’il a adoptés, Dave (Mark Ruffalo) et Mark Schultz (Channing Tatum), étaient des champions Olympiques. Pas des inconnus, donc. Il se fait simplement que tous trois se sont égarés dans leur recherche de figures paternelles absentes, et que du Pont souffrait de schizophrénie paranoïaque. Et tous trois tentaient d’échapper à un passé sombre. La conjonction de ces éléments a mené au départ de Mark et à l’assassinat de Dave par du Pont.
Monsieur Miller, avez-vous eu accès aux lieux où s’est passé le drame?
Bennett Miller: Je voulais absolument filmer sur les terres de du Pont, à Newtown Square hors de Philadelphia. Mais les circonstances nous ont poussés à l’ouest de Pittsburgh. Mes location managers sont fabuleux, et j’avais déjà travaillé avec eux sur Capote et Moneyball. Et puis nous avons eu la chance qu’une famille similaire à celle des du Pont nous invite sur son immense terrain. Je ne peux pas vous dire de quelle famille il s’agissait, mais autant du point de vue de la richesse que de l’histoire, elle est très proche des du Pont. La propriété, qui n’avait encore jamais été photographiée par un extérieur, possédait également un ranch, très ressemblant à celui de Foxcatcher. A notre grand étonnement, on a pu rencontrer les membres de la famille. On s’est retrouvés autour d’une table avec des personnes qui donnaient l’impression de s’être tout droit échappées du film. Ce qui est génial, c’est qu’ils avaient vu mon film, Moneyball, à plusieurs reprises. “Venez”, nous ont-ils dit. Au final, c’est l’endroit qui nous a le moins coûté sur tout le film. Et si on avait dû le payer, ça aurait été simplement impossible.
Avez-vous été en contact avec la famille de John E. Du Pont?
Bennett Miller: Nous avons été en contact avec quelques membres de la famille avant de commencer le tournage. Mais tous les contacts se sont arrêtés par la suite.
Foxcatcher est un film qui possède beaucoup de niveaux. Comment décririez-vous le style narratif?
Bennett Miller: On ne peut pas vraiment dire que je raconte une histoire, j’aurais plutôt tendance à observer l’histoire. J’espère que les spectateurs seront sensibles à ce qui se cache derrière l’histoire de surface. On y trouve par exemple beaucoup des frustrations de l’homme américain. Il y a encore une couche sous la sous-couche, et chaque couche visible n’est que la pointe de l’iceberg. Le son est l’un des éléments que j’utilise pour rendre le spectateur conscient de toutes ces couches.
Le casting de Steve Carell, c’était un pari?
Bennett Miller: C’est vrai que Steve est surtout connu pour d’autres choses. Dans le rôle de John E. du Pont, il est très loin de sa zone de confort. Nous avons beaucoup discuté, et j’ai écouté ce qu’il avait envie de faire avec le personnage. A un moment, je me suis dit que c’était à sa portée et qu’il ferait tout son possible pour donner vie à ce personnage. Je ne peux donc plus m’imaginer avoir envisagé d’autres acteurs que Steve, Channing et Mark.
Channing et Mark, vous avez dû suivre un entraînement intensif?
Channing Tatum: Effectivement. Cinq à six mois avant le début du tournage, on a commencé la lutte. Ca se voit aussi. Mark et moi avons tous deux désormais des oreilles en chou-fleur et de mauvais genoux pour nous rappeler cette aventure. La lutte est un sport qui laisse des traces dans le corps (rit).
Mark Ruffalo: Les gars avec qui nous nous entraînions étaient des lutteurs de niveau international. Mais nous avons aussi passé du temps avec la famille et les amis des frères Schultz. Notre vie s’est résumée à lutter, manger, dormir, et découvrir qui étaient ces hommes.
Channing Tatum: J’ai aussi pu passer du temps avec le vrai Mark Schultz. C’était très particulier.
Il vous a coaché?
Channing Tatum: Au début, ça a certainement été le cas. En tant que lutteur. Mais c’était parfois très gênant. J’étais souvent très heureux qu’il soit là, mais à d’autres moments… Vous savez, quand on est face à la caméra et que l’on joue quelqu’un qui est à côté de la caméra, ça peut être très perturbant.
Bennett Miller: Mais Mark n’a été présent que quelques jours. Je me souviens avoir demandé à Channing si cela lui posait un problème que Mark vienne sur le plateau. Non, pas de problème, m’avait-il répondu. Mais j’avais quand même ressenti une hésitation. Du coup, j’ai été parler avec Mark et je lui ai dit que Channing avait besoin de respirer. Et Mark l’a tout à fait compris.
Mark Ruffalo: C’était très fort, émotionnellement parlant, d’avoir Mark sur le plateau, mais c’était aussi très intense. Le film lui faisait revivre une période très difficile. C’était au moins aussi pénible pour lui que pour nous.