'Flags of Our Fathers' relate l'histoire d'une des plus mémorables photographies de la seconde guerre mondiale. Mais il ne s'agit pas seulement d'un film de combat, Clint Eastwood a voulu non seulement rendre hommage au Soldat mais aussi à l'Homme face aux horreurs de la guerre.
Qu'est ce qui vous a décidé à faire ce film?
Tout d'abord, il n'y a jamais eu de film qui relate cette invasion, une des plus grandes et des plus effrayantes batailles vécues par le corps des Marines. Mais je ne voulais pas en faire un film de guerre, j'étais intrigué par le livre de James Bradley, qui décrit ce que son père John a vécu lors de cette bataille et surtout les conséquences de cette guerre. J'ai toujours été curieux de savoir comment réagissent les familles exposées au silence des leurs face au traumatisme de la guerre. C'est souvent ceux qui vivent le plus d'atrocités qui en parlent le moins. A cette époque, il n'y avait pas de suivi psychologique, ils sont rentrés chez eux et on leur a dit de simplement oublier. Ils ont dû trouver un moyen de s'ajuster à cette vie d'après guerre et puis, certains n'ont simplement pas été capables de le faire...
Il y a aussi le côté héroïque...
J'espère faire passer un message sur le mythe de la célébrité. Ces jeunes soldats ont été accueillis en tant que vedettes, traités comme un président... Hum, enfin peut-être pas... Ils ne voulaient pas être perçus comme des héros, ils auraient préféré que les gens honorent ceux qui sont morts là-bas.
Pourquoi avoir basé l'histoire sur la montée du drapeau américain?
Cette photo de Joe Rosenthal est devenue une icône pour les Américains. Elle ne représente pas grand chose pour ceux qui y étaient puisqu'elle n'a été prise que le quatrième jour d'une bataille qui en a duré plus de vingt. Mais cette photo a donné espoir à tout un peuple en montrant l'unité des hommes face à une cause commune.
Avez-vous essayé de faire passer un message quant à l'actuelle guerre en Irak?
La guerre c'est la guerre! Quel que soit le front sur lequel vous vous battez, vous devez affronter l'horreur. Je crois que c'est difficile pour celui qui n'est pas dans la situation de comprendre vraiment ce qui s'y passe. Mais pour répondre à votre question, non je n'ai pas essayé de faire passer un message sur les évènements actuels. Il s'agissait d'une autre époque, nous nous battions déjà en Europe mais nous n'avions rien à craindre jusqu'à ce que l'attaque de Pearl Harbour nous fasse réaliser la réalité des faits. Ces jeunes soldats étaient les enfants de la dépression économique, ils étaient chétifs mais ils avaient espoir, ils devaient se battre pour la liberté. C'est différent aujourd'hui, nous vivons plus confortablement, nous sommes, disons, plus gâtés... Cette guerre est plus exclusive, les buts sont différents, les soldats s'engagent volontairement, il y a aussi les idéologies religieuses,... Cette guerre me semble être plus un inconvénient qu'une nécessité.
Pourquoi ne pas avoir choisi des acteurs plus connus?
Tout d'abord, il fallait que je trouve des acteurs assez jeunes car la moyenne d'âge des soldats de l'époque était dix-neuf ans. Et je pense qu'attacher une célébrité à un projet bien spécifique tel que celui-ci est parfois mauvais. Les gens prennent plus de temps à s'adapter et accepter le personnage. Je sais que certains vont au cinéma juste pour voir leurs acteurs préférés mais c'est un risque que j'ai voulu prendre.
Qu'est-ce qui vous a amené à tourner en Islande?
Nous voulions filmer sur Iwo Jima mais l'île est considérée comme un mausolée, un lieu sacré où douze mille soldats sont toujours portés disparus. Ce n'est pas un endroit touristique, vous devez obtenir l'autorisation du gouvernement japonais pour pouvoir vous y rendre. Il était donc hors de question d'y tourner les scènes de combats et recréer l'invasion pour lesquelles l'utilisation d'explosifs était nécessaire. Nous espérions être capables de filmer dans des endroits confortables, sur une plage hawaïenne, juste à côté d'un hôtel très luxueux où nous aurions pu rester (rires) mais il a bien fallu se rendre à l'évidence et accepter que l'Islande était le bon choix; le climat et les plages de sable noir ressemblent énormément à Iwo Jima.
Il y a beaucoup de flash-backs, pourquoi avoir fait ce choix?
Paul Haggis le scénariste, a eu beaucoup de mal à adapter le livre de James Bradley; l'histoire passe du présent du narrateur, c'est à dire 1994, à la bataille de 1945 pour ensuite se retrouver à une autre période du passé, cette fois, d'après guerre. Nous voulions insister sur l'impact de la bataille durant toute la durée du film pour que le public puisse comprendre la complexité des émotions des trois soldats lorsqu'ils rentrent au pays.
Les couleurs sont également assez ternes...
Chaque période possède sa propre teinte. J'aime ces couleurs un peu passées, elles donnent une certaine ambiance; je pense que la guerre n'est pas un outil de séduction, j'ai voulu la montrer telle que je crois qu'elle est, sans couleurs vives.
Pourquoi ne réalisez-vous que des drames?
Je ne sais pas, je suis simplement le courant... J'ai l'impression que le fait de vieillir me permet enfin de toucher à certains sujets, qui me semblaient déjà intéressants quand j'étais jeune mais qui ne convenaient pas à ma carrière. J'ai commencé avec des films d'action mais maintenant que je me suis retiré derrière la caméra, je pense qu'il est temps de poser les bonnes questions, d'analyser les sujets qui me touchent.
Vous êtes-vous lancé un défi en réalisant deux films à la suite l'un de l'autre?
Non. L'idée de faire le second film 'Lettres de Iwo Jima' m'est venue lorsque j'ai commencé à m'intéresser au Général Kuribayashi, cet homme capable de défendre cette petite île de manière tellement judicieuse, en plaçant ses troupes dans des tranchées sous terre. J'ai découvert un livre qui contenait les lettres qu'il a écrites à sa famille, j'ai non seulement appris beaucoup de choses sur lui mais aussi sur les autres soldats qui combattaient avec lui, de jeunes japonais qui ont vécu, en somme, la même expérience que celle vécue par les Américains.
Avez-vous pensé à la réaction du public japonais?
Après la guerre, les Japonais ont voulu oublier cette partie de l'histoire, on ne l'étudiait pas à l'école et la plupart des acteurs japonais de mon film n'avaient jamais entendu parler de cette bataille. Je trouve qu'il est important de raconter cette histoire, non seulement à la jeune génération japonaise mais au monde entier car pour moi, la guerre est un exercice futile où des gens s'entre-tuent alors que, dans d'autres circonstances, ils auraient pu être les meilleurs amis du monde.
Dévoué au cinéma!
A croire que sa vie trépidante lui donne de l'énergie à revendre. Marié deux fois, père de cinq filles et quatre garçons, nés de cinq femmes différentes, Clint Eastwood trouve non seulement le temps de se consacrer à sa famille mais aussi de jouer, réaliser, produire et également composer la musique de ses films! Dernièrement, sur le tournage de son film, il a épaté les jeunes acteurs en sautant de bateau en bateau en pleine mer d'Islande et à 76 ans, il pilote encore des hélicoptères et conduit des voitures tout-terrain! Comme quoi, être consacré le plus vieux réalisateur à avoir remporté l'Oscar, pour son film 'Million Dollar Baby', ne lui donne pas envie de prendre sa retraite!
Les films qu'il a réalisés: Lettres d'Iwo Jima (2007) Mémoires de nos pères (2006) Million dollar baby (2005) Mystic river (2003) Piano blues (2003) Créance de sang (2002) Space Cowboys (2000) Impitoyable (1992) La Relève (1991) Chasseur blanc, coeur noir (1990) Bird (1988) Le Maître de guerre (1987) Pale Rider, le cavalier solitaire (1985) Le Retour de l'inspecteur Harry (1984) Honkytonk man (1983) Firefox, l'arme absolue (1982) Bronco Billy (1980) L'Epreuve de force (1978) Josey Wales hors la loi (1976) La Sanction (1975) L'Homme des hautes plaines (1973) Breezy (1973) Un Frisson dans la nuit (1972) A Los Angeles, Catherine Nitelet-Vedder ----------------------------------------------------------------