Vous n'avez encore rien vu' d'Alain Resnais en salles depuis mercredi - Actu Cinema

Avec son dernier film, "Vous n'avez encore rien vu", mercredi sur les écrans, Alain Resnais signe une déclaration d'amour au texte et aux comédiens de sa "troupe" de cinéma, laissant entendre, à 90 ans passés, qu'il pourrait bien continuer à régaler le public de son art. Le sujet de ce film gigogne - présenté à Cannes en mai - est une ode à ses acteurs fétiches, au cinéma et au théâtre, aux mots qui les font vivre. L'action se déroule après la mort d'un grand auteur dramatique, Antoine d'Anthac. Ses amis comédiens se réunissent chez lui où il avait préparé pour eux une vidéo de sa pièce "Eurydice". Les comédiens, ce sont Sabine Azéma, Pierre Arditi, Lambert Wilson et Anne Consigny, qui conservent leur propre nom dans le film. La pièce, c'est celle de Jean Anouilh, "Eurydice". Peu à peu, les comédiens de prédilection d'Alain Resnais s'emparent du texte, qu'ils ont tous joué dans le passé, et s'en refont des scènes entre eux. Contrairement à son habitude, le cinéaste n'a pas fait répéter ses acteurs, désireux de faire "une expérience de laboratoire, comme quand on mélange différents produits chimiques sans savoir ce qui va se passer", expliquait-il à Cannes lors d'une conférence de presse. "Les acteurs entrent en transe, comme des somnambules, il ne fallait surtout pas les réveiller", indiquait le réalisateur. Ainsi deux d'entre eux incarnent tour à tour Orphée, il y a aussi deux Eurydice, d'autres rôles sont dédoublés. Un vrai jeu de poupées russes. Pour l'auteur éclectique de "Nuit et brouillard" (1956), "Hiroshima, mon amour" (son premier long métrage, en 1959), "L'année dernière à Marienbad" (1961) ou "Pas sur la bouche" (2003), il n'est pas question d'un film bilan ou testament. "Il n'y a aucune relation avec aucun de mes films, je fais des films comme un bricoleur, j'essaie de ne pas me répéter. Si j'avais pensé à celui-ci comme un film-testament, je n'aurais jamais eu l'audace ou l'énergie de le tourner", disait-il à Cannes. Comme une blague Son dernier opus témoigne surtout, à ses yeux, "de l'énorme affection" qu'il porte à ces "quinze comédiens", et "au cinéma et au théâtre en général". Pourquoi avoir choisi ce titre pour le film ? Il explique: "+Vous n'avez encore rien vu+ s'est faufilé tout seul dans la salle de montage. On l'a d'abord dit comme une blague puis c'est devenu une sorte de proverbe entre nous et on a fini par le voir écrit sur des boîtes". Pendant le tournage d'une soixantaine de jours, il n'a volontairement pas donné toutes les clés de l'intrigue à ses acteurs, leur demandant de jouer dans leurs propres vêtements. Sabine Azéma a ainsi raconté qu'elle ne voulait "pas écouter ce que faisait Anne (Consigny, l'autre Eurydice)", préférant "garder la surprise de voir ce que les autres pouvaient faire avec le même texte, les mêmes émotions". Comme Resnais. Anne Consigny a pensé que le cinéaste ne lui demandait pas tant de jouer Eurydice que de se débarrasser des "épluchures de la comédienne", en lui disant "montre-moi qui tu es quand tu parles d'amour". Pour Pierre Arditi, la relation amoureuse qu'il joue avec Sabine Azéma est une énième déclinaison du couple qu'ils forment dans l'oeuvre du cinéaste, "L'amour à mort", "Mélo" ou même "Smoking": "L'intensité est la même, la tessiture différente". Hippolyte Girardot, petit nouveau au sein de cette bande, est bien heureux d'être entré ainsi en "Resnais-tude": "Tourner avec Resnais, c'est un truc de légende", confie-t-il, racontant n'avoir pas cru d'abord au texto lui offrant le rôle. (Belga / PVO)