Cate Blanchett: Star et élégante. - Dossier Cinema

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En 1952, Patricia Highsmith — à qui on doit des thrillers comme The Talented Mr. Ripley — a écrit un roman sous le pseudonyme de Claire Morgan, œuvre qui connut un succès culte inattendu. The Price of Salt était bien loin des meurtres et autres événements sanglants auxquels elle nous a habitués. Il s’agissait d’une histoire d’amour entre deux femmes, Carol, issue de la haute, et Therese, une simple vendeuse, l’ensemble se situant à New York. Plus de 60 ans après, Todd Haynes (Far from Heaven, Mildred Pierce) a décidé d’adapter ce livre étonnant en un film tout aussi mémorable, Carol. Rooney Mara a été récompensée pour son interprétation de Therese lors du dernier Festival de Cannes, mais si vous voulez mon avis, la star absolue du film, c’est Cate Blanchett, dans le rôle de Carol. Il n’est donc que justice que nous lui laissions ici la parole.



Est-ce que vous croyez que le spectateur lambda verra encore toujours
Carol comme une histoire lesbienne plutôt qu’une histoire d’amour?

Cate Blanchett: Non, et c’est justement pour cela que c’était le moment rêvé pour sortir ce film. Je suis persuadée qu’il y a seulement cinq ans, Carol aurait été vu comme une prise de position politique. Le paysage, ou le discours autour des relations de deux personnes de même sexe a fortement évolué dans de nombreux pays. Du coup, nous accordons aujourd’hui plus d’attention aux qualités universelles de l’histoire d’amour qu’à un éventuel débat politique.? Ceci dit, il reste aujourd’hui quelque chose comme 70 pays dans le monde où l’homosexualité est considérée comme illégale. Et chez nous aussi, il y a encore du travail, en partie, et c’est ironique, à cause de cette évolution justement. La sexualité de Carole est quelque chose de privé, et c’est ainsi que cela devrait être. Mais aujourd’hui, celui ou celle qui se présente comme homosexuel, doit constamment en parler, encore plus que de son boulot ou de n’importe quel autre aspect de sa personnalité. Vu comme ça, nous vivons encore toujours dans une époque très conservatrice. Et ceux qui le nient sont des imbéciles.

Carol est un film apprécié où deux femmes tiennent les rôles principaux. Est-ce que ce n’est pas ça qui est plus important aujourd’hui? Les histoires de ce genre se font malheureusement très rares

Blanchett Vous savez, à chaque fois qu’un film présentant des rôles féminins intéressants et complexes est tourné, il y a quelqu’un pour me demander “Est-ce que vous pensez que ce film représente une charnière?” ou “Est-ce que vous croyez qu’il y en aura d’autres dans le genre?” J’ai l’impression de tenir la même conversation chaque année. Honnêtement, je trouve qu’il y a beaucoup de rôles fantastiques écrits pour des femmes, et il y a également des tas d’actrices fantastiques. Peut-être qu’il serait temps de laisser ce sujet de côté.

Carol se joue dans les années ’50. Est-ce que l’époque a une influence sur la manière dont les gens vivent le fait d’être amoureux?



Blanchett
Je ne pense pas. Etre amoureux, c’est intemporel. Les gens pensent, pour l’une ou l’autre raison, qu’une femme se sentait autrement dans les années ’50 parce qu’elle portait une gaine ou un corset. Ce qu’il faut faire, c’est retrouver les qualités intemporelles liées à cet état amoureux, la face interne de cet amour. Quand on tombe amoureux, on a l’impression de vivre quelque chose qui n’est encore arrivé à personne d’autre. On perd le contrôle, un peu comme si on était pris de panique et de peur. C’est pour cela que le coeur se met littéralement à battre plus vite. Et ça, ça ne change pas, que l’on porte un corset ou un string. Même si dans la seconde option, l’effeuillage est bien plus pratique. (rit)

La scène dans laquelle Carol et Therese se retrouvent au lit donne l’impression d’une sorte de délivrance. Est-ce que cela a également été le cas durant le tournage?

Blanchett Oui, pour des raisons très diverses. Carol et Therese sont des personnages très isolés. Les sentiments qu’elles se portent vont à l’encontre du monde dans lequel elles vivent chacune. Mais il y a également une différence d’âge entre elles, et de classe sociale. Elles ont donc toutes deux un long chemin à parcourir avant d’accepter les émotions qui les enflamment. C’était du coup véritablement un soulagement de pouvoir tourner cette scène avec Rooney. Enfin ensemble!

En guise de préparation, vous avez lu de romans érotiques des années ’50. Est-ce qu’ils se sont avérés instructifs?

Blanchett J’apprécie toujours beaucoup la recherche. C’est l’un des aspects les plus agréables de mon travail. Ce qui m’a frappée, c’est que le livre de Patricia Highsmith sur lequel Carol se base est l’un des rares à présenter une fin positive. Les autres que j’ai lus se terminent tous sur une note moralisatrice ou négative. Ce sont des livres qui parlent d’outsiders. Carol n’était pas le défenseur d’une préférence sexuelle particulière. Il est important de garder cela à l’esprit. Ces étiquettes ou ces mouvements n’existaient pas à l’époque. Il n’était pas possible d’y trouver le moindre réconfort, ce qui menait à une isolation complète.

 

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