La SF a du plomb dans l’aile - Dossier Cinema

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Est-il possible de réinventer le genre ?

World Invasion : Battle Los Angeles, Paul, Tron Legacy, Monsters... ces derniers temps, sur le front de la SF, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Et ce n’est rien comparé à ce qui nous attend dans les prochains mois. Plus de super-héros (The Green Lantern, X-Men First Class, Captain America...), plus d’aliens (Cowboys et aliens, Prometheus, Numéro 4...), plus de robots, plus d’invasions, plus d’expériences scientifiques foireuses, plus de 3D... En somme, les geeks de tous poils auront de quoi se faire les dents !

Si les modestes amateurs du genre y voit un vent de nouveauté, pour les passionnés les plus érudits ce n’est guère que le cycle de la SF qui se reproduit à l’infini. Car, à y regarder de plus près, les films de science-fiction d’aujourd’hui n’ont rien inventé. On ne se risquera pas à refaire ici l’Histoire de ce genre cinématographique. Mais un état des lieux s’impose : qu’est-ce qui a changé depuis le premier alunissage mis en scène par Georges Méliès ? Est-il encore possible de réinventer le genre ?

Pour y voir plus clair, Reviewer a sollicité le point de vue avisé d’un spécialiste du genre : Yvan West-Laurence, fondateur du magazine Animeland et rédacteur sur Unification France.

Les pères fondateurs

D’entrée de jeu, il confirme : "Les films de SF d’aujourd’hui sont majoritairement des adaptations de comics, de romans ou de nouvelles".

Parmi les oeuvres adaptées les plus marquantes, on trouve bien sûr les super-héros de DC Comics et Marvel, les romans de Philip K Dick tels Blade Runner, Total Recall ou Minority Report ; Isaac Asimov avec L’homme bicentenaire et I-Robot ; Dune de Frank Herbert ; Arthur C Clarke et son 2001 L’Odyssée de l’espace ou encore H G Wells avec notamment La Machine à explorer le temps, L’Ile du Docteur Moreau, L’Homme invisible et La Guerre des Mondes.

Et s’il reste, heureusement quelques récits originaux, ils sont malgré tout largement inspirés des écrits de quelques visionnaires. Dès les premiers pas du cinéma, et surtout les balbutiements des trucages, Georges Méliès s’attaquait déjà aux registres SF et fantastique.

En 1902, Le Voyage dans la Lune, d’après le roman de Jules Verne, est l’une des premières adaptations au cinéma de la littérature de science fiction. Metropolis (1927), le chef d’oeuvre de Fritz Lang, également tiré d’un roman (de Thea von Harbou, l’épouse de Fritz Lang), est un film marquant pour plusieurs raisons : en premier lieu parce qu’il est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers films expressionnistes allemands, embrassant un courant esthétique inédit jusqu’alors. Mais surtout, il pose les bases du cinéma de science fiction, très influencé par la révolution industrielle, la mécanisation, l’expansion des villes...

On y retrouve donc des thèmes chers au genre : un être suprême, robotique, des voitures volantes, une ville écartelée entre ses bas-fonds et ses hautes sphères comme on le retrouve aujourd’hui dans Batman (ceux de Tim Burton en particulier), Dark City d’Alex Proyas, et même dans 2046 de Wong Kar Waï.

Celui qui se prenait pour Dieu

Comme l’indique Yvan West-Laurence, "la majorité des oeuvres de SF ou de fantastique emprunte volontiers à des contes et légendes, voire à la mythologie". Pour preuve, l’un des premiers romans à être considéré a posteriori comme de la science fiction, est Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley. Il renvoie au mythe grec de Prométhée, le titan qui créa les hommes et leur fit don du feu.

On retrouve donc dans le roman, et dans ses adaptations telles Frankenstein, en 1910, et sa flopée de remakes et spin-off (La Fiancée de Frankenstein), toute la problématique du rapport créateur/créature et celle de la transmission de la connaissance, et s’interroge sur l’origine de la vie, de l’âme, le siège de la conscience, des souvenirs. Un questionnement philosophique, voire éthique, qui répond au tâtonnement médical de l’époque.

Des thèmes qui seront utilisés jusqu’à plus soif au cinéma et que l’on retrouve encore régulièrement : La Mouche de Kurt Neumann (1958), souligne l’horreur suscitée, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, par les expérimentations de Mengele. Plus récemment, Splice, de Viecenzo Natali, a une nouvelle fois soulevé les inquiétudes liées au clonage, à l’eugénisme, ou quand l’homme se met à jouer à Dieu et crée sa propre destruction en fabriquant une créature douée de capacités d’assimilations supérieures aux siennes.

Dans l’univers des séries, on peut citer l’exemple de Battlestar Galactica et ses Cylons, mi-hommes, mi-robots, qui se sont tellement émancipés de leurs créateurs qu’ils ont leur propre religion et se retournent contre ceux qui autrefois étaient leurs maîtres.

L’enfer c’est l’Autre

La période de la Guerre Froide connaîtra aussi son lot d’angoisses et donc, de films SF. Cette fois-ci, la menace vient du ciel. Enfin ça, c’est sur la pellicule. La vraie menace, quand on est un américain dans les années 50/60 vient surtout de l’est. Les invasions aliens ont le vent en poupe et font ressortir les peurs les plus primaires. Et, tandis que la bombe nucléaire fait de plus en plus parler d’elle, la paranoïa se répand comme une trainée de poudre.

L’apocalypse, autre thème récurrent du registre SF, est encore un emprunt à la mythologie et aux religions. H G Wells, toujours en avance sur son époque, avait donné quelques sueurs froides à ses compatriotes, notamment lorsque Orson Welles a repris, en 1938 à la radio, La Guerre des Mondes et créant, sans le vouloir, une véritable hystérie collective.

Il a fallu attendre l’intervention de Steven Spielberg pour ne plus voir les aliens comme un danger imminent, que ce soit avec Rencontres du 3ème type, en 1977, ou avec E.T. en 1982. Après avoir versé dans le cinéma d’horreur ou le fantastique, Spielberg s’est attaqué à la mauvaise réputation des extraterrestres, jusqu’à les rendre pacifiques et d’intérêt public ! Yvan nous explique que le cinéaste était "passionné par les ovnis depuis son enfance. Pour mieux faire passer la pilule, il a repris des éléments que les gens connaissaient. Les longs doigts de ses aliens sont directement inspirés de La Guerre des Mondes".

En réaction à cette peur de l’autre, qu’il soit un ennemi, ou tout simplement, hélas, un étranger, on voit apparaître des films qui se placent sans ambiguité du côté de cet "autre". Avatar en est l’exemple le plus récent et tourne en ridicule l’être humain, devenu l’envahisseur, l’empêcheur de tourner en rond, un rouleau compresseur qui détruit tout sur son passage, pour mieux s’installer après. District 9 est un rappel sans concession de l''apartheid et des ravages de la haine raciale.

Stuck in the genre

Maintenant c’est clair, il n’y a rien de nouveau sous le soleil de la SF. Que ce soit les super-héros, les aliens, les robots, les voyages spacio-temporels ou les univers parallèles, s’ils ont toujours autant de succès, tous paraissent un peu usés vus sous cet angle. "Si le contexte change, les thèmes, eux, restent les mêmes. Etrangement, tout ce qu’on peut lire de l’époque d’Orwell, voire de Jules Verne, semble très moderne".

Il poursuit : "cela reprend le principe des contes. On utilise le prétexte d’un contexte qui n’est pas supposé être calqué sur la réalité, pour développer des thèmes qui vont critiquer l’ordre établi, ou interroger sur tel ou tel sujet. Aujourd’hui encore, la SF continue de jouer son rôle de précurseur en matière de réflexion sur des sujets qui prennent racine dans la réalité".

Bien que les effets spéciaux évoluent, pour se rapprocher toujours un peu plus de la réalité, les bonnes vieilles recettes, nous l’avons vu, sont toujours plébiscitées. La SF répond à un certain nombre de codes qu’il serait périlleux de bouleverser. Mais selon le contexte culturel, politique, ou technologique, le genre se permet quelques écarts : en repoussant un peu plus les frontières de l’imagination, en extrapolant toujours davantage les avancées scientifiques. Hier on découvrait la lune, on explorait Mars, puis on s’est mis à traverser les galaxies, à voyager dans les mondes parallèles.

L’arrivée des ordinateurs dans nos vies a fait naître de nouvelles inquiétudes (vous vous souvenez du supposé "bug de l’an 2000" ?), à l’approche de 2012, on nous refait le coup de l’Apocalypse, du déluge et de l’arche de Noé... Les films de SF coûtent de plus en plus cher et dégoulinent d’effets spéciaux.

La prochaine étape est déjà en marche, avec la sortie imminente de Numéro Quatre, le genre drague désormais du côté des ados et des jeunes filles en fleur pour mieux faire un pied de nez à Twilight et ses anémiques aux dents longues. L’alien est désormais d’une beauté insolente et n’a pas encore atteint l’âge légal pour boire une bière. Même la dernière tentative du duo Pegg/Frost, avec Paul, n’a rien de révolutionnaire, puisque la SF sait très bien se moquer d’elle-même, et la parodie est un exercice qu’elle maîtrise, plus ou moins bien, c’est selon, depuis des décennies.

Et l’avenir dans tout ça ? Yvan a sa petite idée : "Avec le développement d’internet, on devrait davantage se pencher sur ce qui a été écrit il y a plus de trente ans, des sous-genres comme le cyber-punk ou le space opera". Car finalement, "la SF n’est que l’expression d’une science pas très glamour et souvent sans saveur, dont les tenants et les aboutissants échappent au commun des mortels jusqu’à ce que la réalité les rattrape".

 

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