Adisu conduit un taxi, sans vraiment trop y croire, prenant d'intenses respirations existentielles afin de repenser au fil brisé de son existence.
Dans les années 1970, la guerre fait rage dans son Éthiopie natale... alors qu'il y menait une existence sereine de jeune pécheur, un art qui lui fut inculqué par son bienveillant grand-père, un jour l'enfer s'abat sur son village, sur les siens. Ils s'en sort de justesse, mais perd une bonne partie de son audition. Dans cet état de choc, privé de l'un de ses sens, il marche à travers le désert, passe de frontière en frontière. 40 ans plus tard, souvent mis à mal par un patron abusif, Adisu se rappelle souvent à ce long chemin. Il "(re)compte" les pas effectués.
L'éclat furtif de l'ombre, long-métrage belgo-allemand, a été réalisé par Alain-Pascal Housiaux et Patrick Dechesne (ils ont officié sur Visage de Tsaï Ming-Liang et le très beau Téza de Hailé Gérima), avec une incroyable retenue. Film suggestif, cinéma d'errance, gardant plus le focus sur des visages et des moments quasi "oniriques", ce voyage au plus profond d'une âme humaine laisse l'explicite au vestiaire, se joue de la déconstruction narrative, et prend parfois un moment de flottement pour nous montrer en gros plans (magnifiques) le visage d'Adisu âgé (interprété par Joseph Farroul).
Si l'ombre de la guerre et de Mangistu (tout comme dans Terza) planent, nous n'en percevons que l'éclat furtif, afin de ne jamais abandonner le personnage principal.