Le Leviathan. Qu'il prenne la forme d'un monstre marin,d'un démon annonciateur de fin du monde ou qu'il symbolise le pacte social qui fonde l'Etat, comme chez le philosophe Thomas Hobbes, il est suicidaire pour un individu de défier seul sa puissance et son autorité.
Partant de cette métaphore forte, le réalisateur Andreï Zviaguintsev en agrège subtilement les dimensions symboliques pour aborder lucidement l'état de déliquescence politique et morale de la Russie. Dans ce village perdu sur les côtes de la mer de Barents, le Léviathan, à l'image du squelette d'un monstre marin gisant sur une plage, s'est échoué dans sa forme démocratique, aveuglé par la collusion de l'Eglise et des autorités mafieuses avides de pouvoir et de contrôle et par le fatalisme d'une population qui ne supporte son quotidien sans perspective qu'à travers un état permanent d'ivresse. D'une richesse thématique et visuelle inouie agrémentée de touches d'humour salvatrices, cette histoire d'homme broyé par un système mortifère et liberticide transpire de la colère, de la tristesse et des espoirs de son réalisateur pour son pays.
Leviathan a été censuré en Russie, preuve que ce chef d'oeuvre doit approcher une certaine forme d'indicible vérité.