George Clooney se rachète une conscience avec 'Michael Clayton' - Interview Cinema

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'Syriana' et 'Good Night, and Good Luck' nous avaient déjà prouvé que le coeur de George Clooney est à la bonne place. Et dans le thriller désespéré 'Michael Clayton', où il interprète un avocat amoral qui tente de revenir sur le droit chemin, il creuse encore plus profondément le malaise politique actuel. "Un film ne fera pas la différence, mais plusieurs films peut-être!" Deauville – George Clooney rayonne. Pas vraiment une nouvelle renversante en soi, mais lorsqu'il prend place face à nous, on se retient de sortir nos lunettes de soleil. C'est dire si son sourire est éblouissant. Explication de ce bonheur: on vient de le faire chevalier français de l' 'ordre des arts et lettres'. Un honneur qui avait déjà été fait à des icônes culturelle de la trempe de Clint Eastwood, Axelle Red et Arno. Il entre directement dans le vif du sujet: "Je me rends bien compte que le réalisateur et scénariste Tony Gilroy est surtout connu comme étant l'homme derrière les 'Bourne'. Mais je suis très heureux qu'on ait fait un film bien plus lent. Chaque film possède son propre tempo, sa propre température. Le contenu des scènes dicte à l'équipe sa manière de travailler. Tony est un petit jeune qui veut faire ses preuves. Il a laissé de l'espace pour respirer à l'histoire et aux acteurs. Dieu merci! D'ailleurs, vous avez vu le dernier 'Bourne'? Vraiment pas pour moi! (il explose)

Vous ne prenez pas seulement le rôle principal à votre compte, on vous retrouve aussi sous la casquette du producteur. Le genre de tâche qui demande sang, sueur et larmes?

George Clooney: Quand on lit les crédits de début et de fin de nombreux films, on se rend compte que le rôle de producteur doit être pris avec toutes les précautions d'usage. Evidemment, dans le lot, il y a des gens qui font le travail véritable, et grâce à qui tout se met en place. On ne peut pas dire que je me sois occupé de ce genre de chose. Mon nom sur cette liste signifie plutôt que les investisseurs ont accepté plus de compromis.

Le monde des avocats qui est ici décrit a à la fois quelque chose de très commun mais aussi de terriblement dur.

George Clooney: Tony a la chance de vivre depuis 25 ans à New York, un lieu où, contrairement à Hollywood, on rencontre de vraies personnes qui ont des vrais jobs. Il connaît des banquiers, des avocats, des journalistes. Ce qui a pour effet que le film comprend aussi bien des moments intimes et poétiques que réalistes. Deux facettes qui se voient contrastées par une photographie assez stylée. On a voulu souligner la solitude des personnages en travaillant avec des philtres de couleur et un format en cinémascope. Le film devait avoir une sorte de rugosité, de vide.

Vous avez participé au film sans demander de salaire auparavant. Le genre de chose que vous referiez?

George Clooney: C'est très simple: je n'ai pas besoin d'argent: tout ce que je rassemble pour la bonne cause, je le garde pour moi. Quoique. (rit) Les films que je fais gratuitement ou pour presque rien sont ceux que je veux absolument voir à l'écran, peu importe le prix. Ce sont souvent des films qui, sans ça, ne verraient pas le jour. Prenez par exemple 'The Good German', 'Solaris' ou 'Confessions of a Dangerous Mind': ils ne m'ont pas rendu riche, financièrement parlant, mais quel apport en terme de conscience! Par contre, la série des 'Ocean's' remplit mon compte en banque. Je ne dois donc pas vraiment m'inquiéter pour mes dépenses au quotidien. (rit)

Vous rassemblez aussi de l'argent pour les victimes de la guerre au Darfour. Comment en êtes-vous venu à vous pencher sur cette problématique?

George Clooney: J'ai lu plusieurs articles à ce sujet dans le New York Times. Vu que j'étais prêt à me lancer dans la campagne aux Oscars pour mon rôle dans 'Syriana', je savais exactement quel impact on peut avoir en tant que star internationale. "Il est grand temps de mettre mon statut de célébrité au service de gens qui ont des vrais problèmes", me suis-je dit. C'est dommage que je n'ai pas eu le temps d'organiser d'autres collectes de fonds. Je travaille trop sur le nouveau film que je réalise.

Vous pourriez nous en dire un peu plus?

George Clooney: 'Leatherheads' est une comédie romantique. XC'est un genre que je n'avais pas osé attaquer auparavant. Je joue le propriétaire d'une équipe de football américain dans les années '20. Mon personnage engage dans ce cadre un jeune talent qui va tomber amoureux de la femme du patron. Le rôle de ma femme est joué par Renée Zellweger.

Revenons-en à 'Michael Clayton': d'où vous est venue l'idée d'engager Tilda Swinton dans le rôle de votre nemesis?

George Clooney: Nous étions à la recherche d'une actrice qui saurait faire face lorsque la caméra était uniquement fixée sur son visage. Son personnage doit affronter toutes sortes de pressions, et Tilda était la seule à parvenir à rendre ça avec efficacité. Et puis, elle travaille pour un petit salaire! (rit)

Aviez-vous déjà rencontré le réalisateur Tony Gilroy avant de travailler sur ce projet?

George Clooney: Non, et pourtant, ça a tout de suite collé. La première fois que nous nous sommes rencontrés, nous avions prévu un rendez-vous d'un quart d'heure. Et ça a duré toute la journée. Nous aimons les mêmes films, des titres comme 'The Parallax View' et 'All the President's Man'.

Avez-vous l'impression que nous sommes en train de vivre un retour vers les seventies en termes de cinéma?

George Clooney: Je n'irais pas jusque là. On tourne à nouveau des films qui ont un impact social, mais c'est tout. A l'époque, les meilleurs réalisateurs, les cameramen les plus talentueux et les plus grandes stars unissaient leurs efforts, s'engageaient. Aujourd'hui, il y a moi et quelques une de mes potes. Le reste de Hollywood est trop occupé sur le terrain de golf. (rit)

Vous avez commencé votre carrière sur le grand écran avec 'The Peacemaker' et 'From Dusk Till Dawn'. Vous vous verriez retourner vers ce genre d'action?

George Clooney: Je me demandais justement dans quel sens 'The Peacemaker 2' pourrait bien aller. (rit) Je dois reconnaître que je trouve que l'époque dans laquelle nous vivons est bien plus horrible et passionnante que n'importe quel film d'action dans lequel je pourrais jouer. Et puis, vous ne trouvez pas que je me fais un peu vieux pour ce genre de chose? Je me plaindrais sans cesse, et l'équipe soupirerait. Non, plus d'action pour moi. Je préfère faire des films qui intéressent aussi les gens de mon âge.

Nombre de vos films les plus récents ont un sous-texte politique. Vous vous verriez faire le pas, vous lancer dans la politique? Ou mieux encore: vous la jouer Ronald Reagan et quitter Hollywood pour devenir président des Etats-Unis?

George Clooney: J'ai l'air déjà si vieux? (rit) Non, mon gars, j'ai fait bien trop de choses idiotes pour pouvoir m'en tirer en tant que politicien. Les journalistes se payeraient une bonne tranche de rire en étalant toutes les erreurs de mon passé. Laissez-moi vivre sur la touche.

Sur la touche? Alors que vous nous fournissez l'un des films les plus politisés de l'année!

George Clooney: C'est dingue que tout le monde considère 'Michael Clayton' comme un film politique. Les personnages auraient aussi bien pu être des bouchers, des comptables ou des scientifiques. La corruption peut se retrouver partout. Personne ne peut dire qu'il ou elle n'y a jamais été confronté. Il s'agit avant tout d'un thriller distrayant, comme on en faisait avant à foison.

Est-ce une manière de renvoyer à ce genre de films que d'avoir choisi le réalisateur de 'Three Days of the Condor', Sidney Pollack dans le rôle du patron corrompu de Clayton?

George Clooney: Sidney est l'un des premiers à avoir lu le script. Ca a été très ardu de lui faire comprendre que nous ne voulions pas de lui comme réalisateur mais comme acteur. (rit) Et aussi bien Tony que moi trouvons que c'est un acteur extraordinaire. Il suffit de regarder 'Husbands and Wives' de Woody Allen pour comprendre. On s'en est quand même voulus par la suite, pour deux raisons: Sidney est très dur avec lui-même et avec les autres, mais en même temps, il est terriblement paresseux, et c'était la croix et la bannière pour le faire venir sur le plateau. Mais une fois de plus, il est l'un des meilleurs acteurs que je connaisse.

Une dernière question: vous pensez vraiment que le cinéma peut changer le monde?

George Clooney: Un film ne fera pas la différence, mais prenez-en quelques-uns, et le mouvement est lancé. A l'époque des grandes manifestations pour les droits civiques, les cinémas débordaient de films socialement engagés. Lorsque les médias cessent de poser des questions, le monde de l'art reprend le flambeau et fait leur travail. C'est ainsi que les chansons de protestation de Bob Dylan ont apporté de véritables changements. Si vous voulez mon avis, il est temps que le cinéma exprime les doutes et angoisses du citoyen lambda.

 

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