Julianne Moore donne vie à la mère de Carrie, toujours aussi fêlée - Interview Cinema

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Julianne Moore, vous êtes vous-même mère de deux ados. Ce que vous avez vu dans Carrie vous a rappelé des choses?

Julianne Moore: Absolument. Mon fils est aujourd'hui en secondaire. Ca, c'est une expérience (rit). En tant que mère de deux enfants, de 11 et 15 ans, on se rend compte qu'ils évoluent d'une situation de protection totale vers l'âge adulte. Et ce passage est très complexe. Il est difficile parce que la maturation s'effectue rapidement. Les ados ne sont pas encore suffisamment adultes pour pouvoir prendre eux-mêmes leurs décisions, on leur laisse donc prendre de plus en plus de responsabilités au fur et à mesure. Par exemple, la manière de prendre les repas à l'école de mon fils, montre toute une évolution. En primaire, ils doivent manger à la cantine. Ensuite, ils se retrouvent dans une autre partie de la cantine où ils doivent faire la file pour aller chercher leur nourriture. L'année d'après, ils ont droit pur la première fois à du yaourt glacé. Un an plus tard, ils peuvent manger dehors, en compagnie d'un élève plus âgé. Et finalement, ils peuvent aller manger seuls dehors. Il est très clair qu'ils guident les ados pas à pas vers l'indépendance. Mais ce n'est pas évident. Car ces jeunes veulent tous être les mêmes ou devenir les plus populaires, ou savoir qui est à fréquenter et qui ne l'est pas. C'est tout cela que Carrie tente d'explorer. Ca, et les conséquences de l'isolation sociale.

Avez-vous vu le Carrie de Brian De Palma?

Julianne Moore: Oh oui, quand j'étais ado. Je me souviens encore qu'on faisait la file depuis le parking jusqu'à la caisse. Les jeunes qui sortaient de la représentation précédente avaient l'air sous le choc. Et tout le monde criait: “Qu'est-ce qui s'est passé? C'est si atroce?” Mais quand j'ai travaillé sur cette version-ci, je n'ai pas voulu revoir le film de De Palma. Car personne ne peut être meilleur que Sissy Spacek et Piper Laurie. Elles étaient véritablement fantastiques. Heureusement, nous avions un matériel de base fabuleux. Si ce n'avait pas été le cas, un remake aurait été impossible. Mais Kim (Peirce) possède une très bonne relation avec Brian De Palma, et le livre de Stephen King est très riche en thématiques et en détails. Ce qui nous a permis d'aborder l'histoire au départ d'un autre point de vue.

Voyez-vous Margaret comme quelqu'un de méchant? Trouvez-vous ses actes condamnables?

Julianne Moore: Evidemment que je trouve que c'est condamnable: elle maltraite sa fille. Mais il m'a fallu trouver une manière de comprendre ses actions. Personne ne pense de soi qu'il ou elle est quelqu'un de mauvais. Chacun est le protagoniste de sa propre histoire. Personne ne se voit comme un antagoniste. En tant qu'acteur, c'est quelque chose qu'il faut toujours bien garder à l'esprit. Quand vous pensez que quelqu'un vous déteste, vous vous trompez sans doute. Car cette personne ne pense pas à vous mais à elle-même. Nous sommes tous comme ça.

Avez-vous appris des choses sur les adolescents, à travers votre collaboration avec Chloë?

Julianne Moore: Pas vraiment, je vous l'ai dit, j'ai moi-même un fils de 15 ans, je ne sais que trop bien comment les ados fonctionnent. Mais j'ai trouvé la collaboration avec quelqu'un de plus jeune comme étant très importante pour ce film. Chloë est vraiment un amour. Elle est très gentille, professionnelle, intelligente, très bien préparée, et elle m'a semblé très adulte. Mais elle est encore une enfant. Comme j'ai moi-même des enfants, dont un qui n'a que 6 mois de moins que Chloë, j'ai pu bien m'occuper d'elle. J'ai toujours trouvé ça important, lorsque je travaille avec des enfants, de pouvoir être présente pour eux en tant qu'adulte.

Avez-vous ajouté des éléments à l'histoire de Margaret White?

Julianne Moore: Ce n'était pas nécessaire. Tout était dans le livre de Stephen King. Margaret a grandi dans une famille religieuse. Et elle devient très, très religieuse elle-même. Elle rencontre un homme à l'église. Ensemble, ils décident que la religion n'est pas assez stricte. Ils quittent la communauté religieuse et démarrent leur propre église. Ils s'adressent mutuellement leurs sermons et vivent une vie très isolée. L'homme décède alors, et Margaret est enceinte, même si elle ne s'en rend pas compte. Elle pense avoir un cancer, mais accouche d'une enfant, Carrie. Je pense que Margaret White a sans doute l'esprit dérangé.

L'approche d'un rôle dans un film fantastique est-elle différente de celle d'un drame réaliste?

Julianne Moore: La question est intéressante. Quand on travaille dans un film de genre, on se concentre sur la justesse de ton de l'ensemble. Dans tout ce que l'on fait, il faut prendre des décisions à propos du ton. Mais que l'on soit dans un film réaliste ou dans un film fantastique, on fait toujours semblant. En fait, il n'y a pas vraiment de différence. Il s'agit surtout de parvenir à rendre une histoire de ce type la plus crédible possible. Il faut constamment se demander où se situe la vérité du personnage et quelle est leur réalité. C'est justement ça qui est chouette dans notre boulot. Nous créons quelque chose. Mais il faut que cela contienne des éléments de la vraie vie pour que les gens s'y intéressent, car en fin de compte, ce que nous leur apportons, c'est un reflet en miroir de leur imaginaire.

Est-il plus difficile de se glisser dans la peau d'une personne réelle comme Sarah Palin que dans un personnage fictif comme Margaret White?

Julianne Moore: Ca demande une différence d'approche. Mais je ne dirais pas qu'un rôle soit plus difficile que l'autre. On commence en se demandant quel travail doit être fourni pour comprendre le personnage. S'il s'agit de quelqu'un de vivant, il faut faire beaucoup de recherches afin de déterminer qui cette personne est véritablement. Face à un personnage fictif, on essaye un peu de tout pour voir ce qui fonctionne. Mais je n'ai pas de préférence. L'approche est déterminée par le personnage.

Vous semblez n'hésiter devant aucun défi. Est-ce qu'il y a des choses qui vous font peur?

Julianne Moore: Oui, skier, mourir et plonger. Je ne suis pas très courageuse, d'un point de vue physique. Je ne suis pas de ces gens qui sautent d'un rocher. Ils font beaucoup cela à Hawaï. Je suis celle qui attendra dans le kayak alors que tous les autres sautent. Je déteste ce genre de choses. Evidemment, il m'arrive d'essayer des choses. Mais même là, je ne trépigne pas d'impatience. Et je n'aime pas rouler trop vite.

Et pourtant, vous n'avez pas vraiment peur…

Julianne Moore: Oui, mais je fais semblant: rien ne se passe. Lorsque les gens parlent de courage, je pense toujours à quelque chose dont on a peur. Si, malgré toutes mes angoisses, je descendais une montagne en ski, là je dirais que je suis courageuse. Mais je n'ai jamais peur lorsque je fais semblant, lorsque je joue la comédie. Il est vrai que j'aime mon travail. C'est un peu comme la lecture. Lorsque vous lisez un très bon livre et que vous êtes totalement absorbé, vous en ressentez les picotements dans votre corps. Jouer, c'est aussi comme ça.

Vous avez beaucoup voyagé en tant qu'enfant. En avz-vous ressenti une sorte d'isolation sociale?

Julianne Moore: Je pense que cela me permet de mieux comprendre ce que cela signifie d'être le nouveau-venu. C'est d'ailleurs très difficile d'être nouveau au milieu de gens qui se connaissent déjà, et qui connaissent leur environnement. Imaginez que vous soyez au Nicaragua et que vous deviez prendre un taxi, mais que vous ne parliez pas espagnol. Que faire? Je suppose que vous ne trouverez pas qu'une situation de ce type soit très agréable. Vous auriez sans doute fort peur. Je me souviens de la première fois où j'ai traversé la mer pour me rendre en Allemagne. J'étais très fatiguée et tout me déplaisait. Il y avait des poignées aux portes et tout le monde parlait une autre langue. J'étais totalement désorientée.

 

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