Annoncé de façon précipitée par des internautes comme un nouveau 'Matrix' puisque son équipe y travaille dont le réalisateur Mc Teigue, le film 'V pour Vendetta' est tout de même l'événement du printemps. Basé sur la BD mythique des années '80 lancée par le scénariste Alan Moore et le dessinateur David Lloyd, 'V' est une oeuvre engagée et puissante sur une Angleterre gangrénée par le fascisme. Un héros masqué a juré d'éliminer au poignard les tenants du régime.
Vengeance personnelle ou terrorisme politique? En toute sincérité, qu'avez-vous ressenti lors de la 1re vision de 'V pour Vendetta' dont vous avez assuré l'illustration dès 1982 dans la revue Warrior?
J'ai d'abord vu le script que je trouvais bon. Ensuite, le film m'a étonné: tant des scènes que j'avais eu du mal à rendre réalistes ou crédibles dans mes dessins sont apparues de façon évidente dans le film.
On connaît la réaction négative de votre scénariste Alan Moore face au film. Beaucoup de choses sont tombées depuis le texte original?
Bien sûr, le film est une version simplifiée de la BD. La forme originale comprend énormément de matériel (NDLR: l'édition intégrale chez Delcourt fait 272 pages!), notamment dans la complexité des personnages. Le plus important pour moi, malgré la traduction en images, est le respect de l'intégrité du propos, surtout dans ses conséquences politiques et sociales. Il y a aussi le côté "thriller" qui doit s'y retrouver. En général, je suis ravi du résultat. Je trouve que c'est une production courageuse de la part d'Hollywood.
Comment voyez-vous le personnage mystérieux de V?
V est un pur révolutionnaire. Dans le contexte originel du livre, celui d'une Angleterre fasciste inspirée par la politique de la "dame de fer", Margaret Thatcher, on peut comprendre ce genre de réaction.
Mais V a été victime de tests bactériologiques à visée militaire... Sa vengeance est personnelle, pas politique.
Quel est le révolutionnaire qui n'a pas de raisons personnelles pour se lever et prendre les armes contre l'oppresseur?
Le sentiment de vengeance peut-il animer une révolte saine contre la dictature? Cela ne permettrait-il pas de justifier le terrorisme en Palestine ou en Irak, par exemple?
Nous devons raconter ce genre d'histoire: comment et pourquoi telle personne en est venue à poser des bombes? Que cela soit l'IRA pendant les années'80 ou Al Quaïda aujourd'hui. On ne peut pas se dire que ce sont des actes gratuits. Il y a des raisons derrière cela. Mais je ne peux pas dire évidemment que le film est une justification du terrorisme. Il pose des questions, c'est tout.
Quel genre de frustration un dessinateur ressent-il face à un film?
C'est dur à dire car mon travail de dessinateur est déjà tellement influencé par le cinéma (Orson Welles, David Lean, etc)! C'est sans doute cela qui a facilité l'adaptation de Mc Teigue.