Mostra de Venise 2020 : Fin et palmarès - Actu Cinema

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Place donc à la huitième journée qui fut courte car également entrecoupée par une visite des merveilles de la lagune vénitienne. La journée a tout de même bien débuté avec le nouveau film du japonais Kiyoshi Kurosawa. WIFE OF A SPY est un thriller d’espionnage situé au début de la Seconde Guerre mondiale, avant que le Japon n’entre en guerre avec les Etats-Unis.

Il est évidemment question de secrets dont certains qu’il serait bon de transmettre aux ennemis. Ces secrets seront au centre de la relation d’un couple qui sera harcelé par les autorités et dont le commandant est un ami d’enfance. Bref, rien n’est simple et les faux-semblants seront nombreux. Si l’ensemble parait un peu classique, Kiyoshi Kurosawa fait preuve d’une mise en scène solide.

 

En fin de journée, ce fut le tour de l’allemand UND MORGEN DIE GANZE WELT d’être montré. Il est question d’une plongée dans une communauté de militants antifascistes qui va se questionner quant à la façon de faire face aux néonazis. Jusqu’à présent, la méthode douce a toujours été privilégiée mais des voix prônant la violence commencent à s’élever. Ce film de Julia Von Heinz est assez classique dans sa mise en scène mais il a l’originalité de montrer ce à quoi ressemble l’intérieur d’une communauté de militants, la façon dont ils organisent leurs actions et leur façon de fonctionner. Le tout est porté par Mala Emde, jeune comédienne dont on reparlera assurément en espérant voir plus de films allemands dans nos contrées.

 

Le lendemain, on démarre la journée avec RUN HIDE FIGHT, film présenté hors compétition qui parle de la toujours aussi difficile problématique des tueries dans les écoles aux Etats-Unis. Bien que l’idée ne soit pas non plus de faire un nouveau ELEPHANT, on ne peut pas dire que RUN HIDE FIGHT soit un franche réussite. Il est plus question d’une série B ratée avec un discours politique un peu puant que tout bon républicain adorera évidemment. Bref, à éviter de toute urgence.

 

La matinée fut sauvée par le mexicain Michel Franco et son NUEVO ORDEN, film on ne peut plus radical qui parle, vous vous en doutez, de la création d’un nouvel ordre. Social, politique, tout y passe. Ça démarre par un mariage dans une famille très riche le jour où des émeutes ont lieu un peu partout. Les populations plus faibles économiquement se rebellent et vont tout mettre sans dessus dessous. La famille va se retrouver séparée, la mariée quittant précipitamment son mariage pour aider un vieil ami et le chaos va arriver au même moment. L’armée reprend du pouvoir, un couvre-feu est instauré dans les quartiers populaires, l’anarchie règne et la confusion entre amis et ennemis va grandir. Si le film peut sembler incohérent par moments, tout prend sens ensuite. En tout cas, avec NUEVO ORDEN, Michel Franco ne va pas se faire aimer de ceux qui le détestent déjà car il signe une œuvre politiquement, socialement et cinématographiquement forte et radicale. Il s’agit incontestablement de l’un des meilleurs films de la compétition.

 

On poursuit la journée avec un documentaire retraçant le parcours du plus grand film italien jamais réalisé, LA DOLCE VITA. La VERITA SU LA DOLCE VITA montre, grâce à d’anciennes lettres et conversation, l’origine du film et les difficultés qu’ont connus les producteurs. C’est raconté au travers du regard du producteur Giuseppe Amato qui avait racheté les droits à Dino De Laurentiis, producteur de LA STRADA et des NUITS DE CABIRIA, deux grands succès de Fellini. Bref, on y découvre le développement du film et les galères vécues par les producteurs, notamment à cause du doublement du budget du film par Fellini en cours de route. Pour tout amateur du réalisateur italien et de son immense classique, LA VERITA SU LA DOLCE VITA est un documentaire qu’il faut découvrir.

 

Le dernier jour a démarré par la vision du pilote de la nouvelle série de l’espagnol Alex de la Iglesia : 30 MONEDAS. Il s’agit d’une série fantastique mettant en scène le père Vergara, exorciste de profession, boxeur et ancien prisonnier, qui vit dans une ville perdue au milieu de nulle part pour oublier son passé et recommencer une nouvelle vie. Mais des phénomènes paranormaux commencent à se produire... C’est du de la Iglesia pur jus qui donne on ne peut plus envie de voir la suite. HBO produit la série donc on devrait probablement la retrouver sur BeTV à l’avenir.

 

Enfin, l’heure du film le plus attendu du festival est arrivée. NOMADLAND. En effet, grâce à THE RIDER, la réalisatrice sino-américaine Chloé Zhao s’est placée comme étant l’une des réalisatrices indépendantes les plus brillantes et intéressantes – ce n’est pas pour rien que Marvel a été la chercher pour réaliser THE ETERNALS (prévu dans nos salles en 2021). C’est donc normal que NOMADLAND suscite les attentes. Le film se déroule en 2011, après la crise des subprimes et de la bulle immobilière. Suite à l’arrêt du secteur d’activité porteur, la ville d’Empire s’est vidée de ses habitants. Et comme son mari est décédé, plus rien ne retient Fern (Frances McDormand) là-bas. Elle a donc emménagé son van et va vivre au gré du vent, s’arrêtant de temps à autres pour travailler et maintenir son rythme de vie. C’est une plongée au cœur d’une communauté, celle de ceux qui vivent en van aménagé, une plongée au cœur de l’Amérique, au cœur de l’authenticité. Les acteurs, non professionnels comme professionnels sont tout simplement fantastique et Frances McDomand signe, une fois encore, une prestation cinq étoiles. A n’en pas douter, Chloé Zhao signe une nouvelle œuvre forte.

 

Le festival s’est conclu par un documentaire sur la famille Rosselini, les héritiers de Roberto, réalisateur de ROME, VILLE OUVERTE. Son petit-fils, Alessandro, s’est intéressé à l’historique de sa famille, qui comporte trois branches vu que Roberto a eu trois femmes. C’est un regard passionnant porté sur des gens dont la carrière et la vie fut plutôt folle. Se plonger au cœur d’une famille cinématographique aussi emblématique était une belle façon de terminer cette 77e Mostra qui, malgré l’absence massive des américains, a su proposer une programmation de haut niveau.

 

Quant au palmarès, il a récompensé quelques films là où on les attendait (NOMADLAND Lion d’Or, PIECES OF A WOMAN pour la meilleure actrice notamment) et d’autres films inattendus ou forts. Retrouver Michel Franco et son radical NUEVO ORDEN est un vrai plaisir tandis que voir Kiyoshi Kurosawa primé pour sa mise en scène l’est tout autant. Bref, alors que généralement les films forts du festival sont projetés en première semaine, on a retrouvé cette année trois lauréats projetés en deuxième semaine. Un changement de paradigme bienvenu qui a pu surprendre les festivaliers.

 

En espérant vous retrouver l’année prochaine à Cannes, voici le palmarès de cette 77e Mostra del cinema di Venezia.

Lion d'or du meilleur film: NOMADLAND de Chloé Zhao

- Lion d'argent - Grand prix du jury: NUEVO ORDEN de Michel Franco

- Lion d’argent - Prix du meilleur réalisateur: Kyoshi Kurosawa pour WIFE OF A SPY

- Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine: Vanessa Kirby dans PIECES OF A WOMAN de Kornél Mundruczó et Kata Wéber

- Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine : Pierfrancesco Favino dans PADRENOSTRO de Claudio Noce

- Prix spécial du jury: DEAR COMRADES d’Andrei Konchalovsky

- Prix du meilleur scénario: Chaitanya Tamhane pour THE DISCIPLE

- Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir pour Roohollah Zamani  dans SUN CHILDREN (Iran) de Majid Majidi.

 

 

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