La terre abandonnée documentaire de Gilles Laurent : réflexion ouverte sur l'existence - Actu Cinema

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La terre abandonnée, documentaire humaniste de Gilles Laurent sur d'irréductibles japonais restés en zone irradiée à Fukushima - Sortie le 12 octobre 


 

Stupéfiant constat que nous donne à voir Gilles Laurent dans son premier documentaire. Il part à Tomioka, village en zone irradiée, à quelques kilomètres de Fukushima dont la population a été évacuée… Ou presque, puisque le cinéaste s’attache dans son premier long-métrage à quelques personnages émouvants qui ont décidé de rester sur leurs terres. Il ne s'agit pas d'un documentaire alarmiste, mais d'une réflexion ouverte sur la relation de l'homme à la nature, sur l'existence. Comment l'homme peut-il survivre hors de la société ? Dans une zone sans école, sans travail, ni médecin ? L’un des habitants y répondra en affirmant que « Le monde est un être vivant d'eau et de terre, tout le monde vit. Le meilleur endroit pour vivre, c'est chez soi ».

Après qu’un travelling avant dans une ville désertée nous ait montré ce qu'il reste, cinq ans après la catastrophe - pour rappel un tremblement de terre, puis un tsunami ont provoqué l’accident nucléaire de Fukushima - c’est en pleine nature que l'on plonge pour constater que, bien qu’irradiée, des hommes et des femmes continuent à vivre sur cette terre. Les personnages sont assez hauts en couleur. Matsumara San, la cinquantaine, a refusé d'évacuer pour rester avec son vieux père. Ensemble, ils s'occupent des animaux et continuent à cultiver des légumes. L’homme effectue un simple calcul : il faut trente ans pour être irradié ou pour en constater les effets ; or dans ce délai, il annonce « qu’il ne sera plus là » et qu'il préfère donc rester. Logique implacable qui perturbera le spectateur en le poussant à réfléchir à ce point de vue si particulier...

Un couple préfère rénover sa maison plutôt que de reprendre sa vie à zéro hors de la zone en vivant dans des préfabriqués. Une femme raconte qu'elle s'est installée là car sa maison a été détruite par le tsunami et ses frères emportés. Ce drame n’est pas dépourvu d’humour et l’on est étonnés de ce regard posé sur cette vie qui continue, presque normalement. Matsumara San, son père et leur voisine évoquent le passage de la police pour les déloger : « On est chez nous, que peuvent-ils faire ?! » s'exclament les intéressés dans un grand éclat de rire.

L’homme s’adapte à son sort, loin des sociétés consuméristes où le temps est compté. C'est cela que nous propose ce film qui embrasse le temps et l'espace, proposant des cadrages millimétrés, posés, d'une grande beauté, dans lesquels l'action va prendre place. On sent une pointe d'influence japonaise, on pense forcément à Ozu... Cette observation se traduit aussi par des scènes surréalistes telles que ce plan où Matsumara San joue tranquillement avec une autruche pendant que des hommes arnachés avec casques et masques décontaminent les lieux. Il n’a simplement pas l’air concerné et c’est grandiose. Le suspense est aussi présent dans ce documentaire qui se laisse regarder comme une fiction dont on s'abreuve avec étonnement et délectation presquemalgré nous. Lorsque les anciennes voisines se réunissent dans la maison en rénovation, l’hôtesse met des figues du jardin à table, qui ne seraient, à priori « pas irradiées ». Un gros plan sur le bol de figues nous intrigue… Les invitées vont-elles en manger ? Les propos de l’hôtesse rejoindront malgré elle la propagande du gouvernement japonais qui tente de convaincre les évacués de retourner vivre dans la zone irradiée.

C’est un portrait curieusement oxygénant de cette riche région appelée « le jardin de Tokyo », même si les scientifiques viennent nous rappeler la dangerosité des lieux « La radioactivité ne se voit pas, ne sent pas mauvais » dira une scientifique. L’aide à la relocalisation des personnes s’arrêtera pourtant en 2018. Matsumara San a fait de son choix un combat. Il donne des conférences à travers le monde et a promis de donner son corps à la science pour que l'on puisse étudier l'effet de la radioactivité sur son corps.

Stéphanie Lannoy - Madamefaitsoncinema.be 

 

 

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