Interview d'Andrew Stanton à propos de Wall-E - Interview Cinema

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Pixar est une valeur sûre, ça ne fait plus un doute. Alors que la plupart des sorties d'été sont des blockbusters risibles de seconde zone, chaque année, ils nous reviennent avec de l'entertainment de qualité pour toute la famille. Pas de changement avec 'Wall-E', leur dernier-né. On y suit un petit robot rouillé qui erre l'âme en peine seul sur une Terre tellement polluée que l'humanité a décidé de la quitter 700 ans auparavant. Chaque jour, Wall-E – l'acronyme de 'Waste Allocation Load Lifter Earth' nettoie la crasse et regarde le classique des comédies musicales 'Hello, Dolly!' avant d'aller se coucher. Mais lorsqu'un drôle de véhicule spatial atterrit non loin de lui, c'est le début d'une grande aventure inattendue. 'Wall-E' est le deuxième film du réalisateur de 'Finding Nemo', Andrew Stanton. Un bonhomme qui semble particulièrement enthousiaste, qui adore raconter comment ce projet d'animation par ordinateur aux relents de science-fiction est né: "Je dois vous prévenir: il n'existe pas de version courte de cette 'origin story'. (rit) En 1994 – 'Toy Story' venait juste d'être terminé – j'étais en train de manger un bout avec des pontes de Pixar, et on s'est rendus compte qu'on n'avait aucune histoire pour nos projets suivants. C'est à ce moment-là qu'on a pensé à la base de ce qui allait devenir entre autres 'Monsters Inc.', 'A Bug's Life' et 'Finding Nemo'. Une autre idée qui avait été lancée était celle du dernier robot sur Terre. La machine aurait été abandonnée pour on ne sait quelle raison, et accomplirait depuis 700 ans la même tâche, c'est-à-dire nettoyer les crasses. Je suis immédiatement tombé amoureux de ce petit être. Il s'agissait de l'un des personnages les plus tristes de tous les temps. Quelques années plus tard, alors que j'étais occupé à réécrire le script de 'Finding Nemo', ce petit perso est à nouveau apparu dans mes pensées. Il n'avait pas de nom, je ne savais pas pourquoi il avait été abandonné, mais je devais et j'allais en faire un film! J'ai commencé le synopsis de son histoire, et rapidement, je me suis retrouvé avec 60 pourcent du script écrit. Après, mon premier film s'est avéré être un grand succès, ce qui a sérieusement boosté ma confiance en moi. C'est à ce moment-là que j'ai décidé que 'Wall-E' serait mon prochain film."

Vos collègues de chez Pixar ont immédiatement été d'accord avec votre projet? 

Andrew Stanton: Ils m'ont posé beaucoup de questions. Un film basé sur des actions et pas des dialogues: ça semble être une 'mission: impossible'. Ils me demandaient si mes idées allaient fonctionner. Grâce au succès de 'Finding Nemo', on pouvait difficilement m'opposer beaucoup d'obstacles. J'ai doucement commencé le projet. Mes collègues ont cru que j'étais parti en vacances. (rit) Mais en fait, j'ai continué à travailler. J'ai fait appel à mes animateurs favoris et j'ai travaillé avec eux sur quelques dessins préparatoires. C'est comme ça qu'on a dessiné, lentement et sans pression extérieure, le premier acte du film. "Si ça ne marche pas, je jette tout à la poubelle.", voilà ce que je m'étais dit. Après quatre mois, j'ai présenté les résultats aux grands chefs, John Lasseter et Steve Jobs. Ils ont directement compris où je voulais en venir. Et j'ai immédiatement obtenu le feu vert.

Wall-E est dingue de la vieille comédie musicale 'Hello, Dolly'. Pourquoi justement celle-là?

Andrew Stanton: Parce que c'est un choix tellement bizarre! Je n'ai pas d'autre explication. Depuis le premier jour, j'ai voulu construire un contraste entre le présent du film et notre passé. Evidemment, il existe des centaines de comédies musicales, et je n'avais pas vraiment envie de toutes les regarder. Du coup, je me suis lancé dans une rapide session de surf sur le site de iTunes. Lorsque j'ai entendu le morceau 'It Only Takes a Moment', c'était bon. La combinaison entre notre petit robot rouillé et la chanson est véritablement magique! Par la suite, il est apparu que le texte de la chanson était en plus adapté à notre histoire. 'Hello, Dolly!' parle de deux gars qui n'ont jamais quitté leur petit village, mais font leur premier pas dans le grand monde et veulent embrasser une fille. Ca ressemble à l'aventure de Wall-E!

Votre film contient une histoire d'amour, mais aussi un message écologique...

Andrew Stanton: (interrompt) Foutaise! Vous pouvez évidemment voir ce que vous voulez dans mon film, mais je voulais surtout parler d'amour. L'idée qu'une machine rouillée soit capable d'avoir plus de coeur que monsieur tout-le-monde, voilà qui me parlait. Wall-E est un symbole d'amour. C'est vrai que le récit se situe dans un futur pessimiste. Mais je l'ai surtout fait parce que c'est adapté au genre de film visité. Vous connaissez beaucoup de films de science-fiction qui montrent une chouette image du futur? Moi pas, en tout cas! Peut-être que ma réaction à votre question peut sembler exagérée, mais je suis fatigué de devoir m'excuser pour mon film. Aux Etats-Unis, 'Wall-E' a vraiment fonctionné comme un teste de rorschach pour les journalistes. Ceux de gauche le trouvaient trop à droite, les gars de droite le trouvaient trop à gauche. J'en ai eu des migraines!

Vous dites que ce film est en premier lieu une aventure de science-fiction. J'ai même lu qui vous citiez le scénario de Dan O'Bannon pour 'Alien' comme source d'inspiration immédiate. 

Andrew Stanton: C'est vrai. Le fait que le film ne comprenne quasi pas de dialogues a fait couler beaucoup d'encre. Je suis désolé, mais ce n'est pas vrai. Dès la première image, il y a des dialogues. Chaque bruit que fait Wall-E veut dire quelque chose. Ce que cela signifie, je l'explique en long et en large dans le script. C'est un truc que j'ai emprunté au scénario d'O'Bannon. Chaque explication technique se retrouvait dans des phrases courtes, proches des haïkus, à la fois poétiques et claires. De cette manière, l'histoire devient plus intéressante pour le lecteur qui retient ce qui lui semblerait terriblement ennuyeux dans d'autres scénarios.

Peu de choses ont été laissées au hasard. Le génie du cinéma qu'est Roger Deakins vous a donné un avis visuel et Ben Burtt, l'homme que l'on trouve derrière chaque petit son de 'Star Wars', a pu s'occuper de la voix de Wall-E.

Andrew Stanton: L'apport de Deakins n'est pas tellement grand, mais il a eu une énorme influence. Quand on regarde le film, on constate qu'on utilise beaucoup de longshots. C'est une technique qui nous avait été conseillée par Deakins. Il faisait référence à tous ces films fantastiquement bien filmés des années septante. Durant certains tests, nous avons travaillé avec des modèles 'live action' du robot, qu'on tournait avec ces vielles lentilles Panavision. Il n'y a que de cette manière qu'on obtient cet effet très large qu'on recherchait. Par après, il fallait simuler ce mouvement par ordinateur. Burtt a pour sa part été associé au projet depuis le premier jour. Le bonhomme était aux anges. Généralement, on ne l'appelle que pour la phase de postproduction, et c'est souvent trop tard pour que sa magie puisse véritablement fonctionner. Il a réfléchi avec nous aux mouvements et aux expressions sonores de Wall-E. A mon avis, ça a été la plus grande expérience de sa vie!

Il ne racontait pas des anecdotes folles sur ses aventures dans 'Star Wars'?

Andrew Stanton: Il faut savoir que c'est quelqu'un de très timide. Et puis surtout, quand il a démarré ce spectacle stellaire avec George Lucas, ils n'avaient aucune idée du phénomène que ça allait devenir. Ce qui m'a surtout marqué chez Ben, c'est sa passion. Pendant des années, il a été à la recherche du son parfait pour le ricochet d'un projectile d'arme à feu. Lorsqu'il l'a trouvé, il l'a intégré à la bande-son de 'Munich'. Et qu'a fait Steven Spielberg? Il a rejeté le son parce qu'il trouvait qu'il faisait trop western!

Pixar commence doucement à acquérir un statut légendaire. Comment est-ce qu'un insider comme vous voit ce géant de l'animation par ordinateur?

Andrew Stanton: C'est une société terriblement fascinante parce qu'elle est sans cesse en mouvement. Tous les dix-huit mois, il nous arrive un changement énorme ou l'autre. On se développe de manière incroyable, ou alors Disney nous rachète: il y a toujours quelque chose qui se passe. Certains collègues sont souvent paniqués, moi, je réagis de manière détendue. J'aime l'évolution, ça a quelque chose d'apaisant. Quand on ne connaît rien d'autre que le changement, c'est aussi plus facile de s'y adapter. Il y a juste une chose qu'on ne peut jamais vraiment changer: la base. Elle restera toujours la même. On a commencé à dix dans un bureau minuscule, et ce groupe-là ne quittera jamais le navire. Lorsque nous étions plus jeunes, on interviewait ensemble les nouveaux employés. De cette façon, on savait tout de suite si quelqu'un était adapté au boulot.

Vous pensez donc en premier lieu à vous-mêmes.

Andrew Stanton: Bien noté! Chez Pixar, on fait des films qu'on aurait envie de voir nous-mêmes. D'autres maisons de production investissent des sommes folles dans des études de marché. "Que veut le public?", toute leur vie tourne autour de ça. Je pense que c'est justement en appliquant cette tactique qu'on réalise de mauvais films ou des films moins intéressants qu'ils ne pourraient l'être. Le film qui plaira véritablement à tout le monde n'existe pas, point. Il est bien plus important de suivre votre propre instinct que de tenir compte des envies du plus grand dénominateur commun.

Ca sonne comme une attaque directe vis-à-vis de votre plus grand concurrent, DreamWorks Animation.

Andrew Stanton: Pourquoi pensez-vous ça?

Parce que 'Kung Fu Panda' est une sorte d'anti-'Wall-E'. Alors que votre film apprend au spectateur des choses sur le futur, ce rien du tout récent dit au spectateur de simplement faire ce dont il a envie, avec son message de 'empiffrez-vous seulement'. 

Andrew Stanton: Waouw, c'est un compliment énorme! Je ne peux vraiment pas en dire plus, je n'ai pas vu 'Kung Fu Panda'. Je m'occupe déjà tellement d'animation par ordinateur que, durant mon temps libre, je n'ai plus envie de vérifier ce que fait la concurrence.

Pour terminer, quelques mots dur votre prochain projet, 'John Carter of Mars'.

Andrew Stanton: Ce film devrait arriver dans les salles en 2012. Attention, j'utilise le conditionnel. Parce que ce projet a l'air maudit. Il est basé sur une série de livres d'Edgar Rice Burroughs, l'auteur des histoires de 'Tarzan'. Cela fait depuis les années '40 du siècle précédent qu'on essaye de les tourner en film. Il n'y a pas si longtemps, le réalisateur de 'Iron Man', Jon Favreau était encore lié au projet. Je ne peux pas en dire beaucoup plus. Je ne sais même pas si ça va devenir un film d'animation par ordinateur ou un 'live action'. On se retrouvera sans doute quelque part au milieu des deux!

 

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