Et si c’était la séparation qu’on célébrait, plutôt que le mariage ?
C’est par cette question que s’ouvre The Other Way Around, du réalisateur Jonas Trueba, connu pour The Reconquest (2016) et The August Virgin (2019). Cette fois, nous faisons la connaissance d’un couple marié, Ale et Alex, interprétés par Itsaso Arana et Vito Sanz, qui décident de se séparer après près de 15 ans de mariage. Leur divorce, ils choisissent de le célébrer par une grande fête dans leur ville natale, Madrid. Famille et amis restent sceptiques, mais eux tiennent bon. Mais à quel point sont-ils vraiment sûrs de leur choix ?
Une décision commune
Ils le précisent souvent avant même qu’on leur pose la question : il ne s’est rien passé, ils ont simplement décidé ensemble de se séparer. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Aucune réponse claire ne nous est donnée. Le réalisateur Jonas Trueba nous présente Ale et Alex comme un couple marié, sans vraiment nous dire pourquoi ils souhaitent divorcer. Et pourtant, il n’est pas nécessaire d’en savoir plus pour ressentir à quel point leurs émotions sont profondes. Dès la première scène, on comprend vite qu’Ale a des doutes. Par la suite, Trueba nous laisse volontairement dans le flou concernant les motivations de ses personnages. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont ensemble depuis 14 ans. Pour certains, cela représente une vie entière ; pour eux, tout cela est sans doute exagéré.
Le couple est déterminé à convaincre les autres du bien-fondé de leur décision. Mais plus ils se répètent, plus le doute les gagne.
Briser le quatrième mur
Au-delà de leur séparation, leur vie de cinéastes est également au cœur du film. Ale travaille actuellement sur un film qui retrace leur vie de couple – et Alex en tient le rôle principal. Ce qui commence comme un clin d’œil ludique au spectateur devient un moyen pour Trueba de déconstruire entièrement le langage cinématographique. Ale est bloquée dans le processus de montage – un point que le film adopte comme structure narrative principale. On plonge alors dans une chronologie parfois désordonnée, entre coupes abruptes, intertitres suggérant un film encore en construction, et manipulations temporelles.
En refusant délibérément de respecter le quatrième mur, The Other Way Around casse – tout comme son propos – presque toutes les conventions du cinéma traditionnel. Résultat : la frontière entre le film et le spectateur devient quasi inexistante, et réalité et fiction se fondent en permanence. Cette confusion est renforcée par l’interprétation des acteurs. La dynamique conjugale, sincère et nuancée, entre Itsaso Arana et Vito Sanz donne naissance à des personnages aussi complexes que familiers. Parfois, aucun dialogue n’est nécessaire pour que le spectateur ressente parfaitement leurs émotions contradictoires.
La beauté de l’instant
On dit souvent qu’un bon récit a besoin de conflit. The Other Way Around prouve le contraire, en plaçant l’amour dans la répétition. Comme le suggère le film, l’amour qui se répète est peut-être le seul vraiment heureux. Et puisque les souvenirs s’accompagnent souvent d’une suite douloureuse, pourquoi ne pas simplement mettre en boucle une série de moments précieux ? Avons-nous encore besoin de conflit ? Là-dessus, Trueba nous laisse libres de répondre nous-mêmes.
L’enjeu du film ne réside donc pas dans la question de savoir si Ale et Alex reviendront sur leur décision. Il s’agit plutôt d’une ode à la beauté de l’instant présent. The Other Way Around nous invite à une exploration introspective de notre propre flux de pensées – et nous confronte au nombre de fois où nous y restons coincés. Peut-être plus souvent que nous ne voulons bien l’admettre.
The Other Way Around est actuellement en salle. Consultez ici la programmation du film.