Jeune, belge et musulman - Dossier Cinema

 
Les piliers de la tolérance L'Islam est souvent perçu en opposition à nos modes de vie en Occident. Beaucoup taxent cette religion d'obscurantisme. C'est oublier que le Coran plaide pour un respect des différentes croyances, conçoit les races comme une richesse et la femme comme un être avec des droits à part entière... par Christophe Sokal Même si, entre les principes fondateurs et la réalité du monde musulman, il y a effectivement des interprétations pas toujours fidèles et homogènes. Dernière grande religion monothéiste à apparaître dans le monde (en 653 après JC), l'Islam se réfère, comme le judaïsme et le christianisme, à un livre de révélations, le Coran, et aux expressions prophétiques d'un envoyé de Dieu, Mohammed. Le Coran nous est de fait parvenu quasi sans altération ou modifications, ce qui provoque d'ailleurs quelques incompréhensions du monde occidental quant à son contenu perçu comme peu en phase avec nos sociétés contemporaines. Pourtant, à le lire de plus près, on découvre une dimension à la fois poétique et pratique qui contraste avec le ton souvent obligatoire de nos propres références religieuses. Le Coran se révèle surtout très progressiste et ouvert pour son époque, dans son approche des rapports humains et des rôles dévolus à l'homme et à la femme dans la société. L'amalgame actuel entre l'Islam et des dérives extrémistes évidentes masque souvent les réalités inscrites dans le Coran. A la base de la pratique, il y a les "cinq piliers fondamentaux": La profession de foi: le musulman reconnaît l'existence de Dieu et la mission prophétique de Mohammed, ce qui implique sa non-soumission à d'autres croyances. La prière: en théorie, elle se pratique cinq fois par jour, à heure précise et consiste en une purification et une prosternation en direction de La Mecque, berceau de l'Islam. C'est peut-être le rite qui nous intrigue le plus, du fait qu'il oblige à une rupture avec les activités sociales quotidiennes. En réalité, ce moment de relation intime avec le divin est assez court, et en fonction des situations, il peut être "regroupé" en une seule prière plus longue. L'impôt purificateur: le musulman ne peut vivre de l'intérêt spéculatif sur son argent. Un impôt annuel de 2,5% est donc prélevé sur les avoirs de chacun qui en a les moyens et redistribué aux membres de la communauté qui en ont besoin. Le jeûne: pendant le mois du ramadan (9è mois du calendrier lunaire), à l'image du carême chrétien, le musulman s'abstient de consommer boissons et nourritures et d'avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. Ce rite doit lui permettre de se recentrer sur sa spiritualité et de "s'entraîner" à avoir une conduite morale le reste de l'année. Le ramadan est sans doute le rite le plus pratiqué dans le monde musulman, même par ceux qui délaissent les autres éléments de la religion. Une expérience à vivre: la rupture du jeûne ou "Ftour" avec des musulmans qui se font une joie d'accueillir le visiteur pour partager le repas avec eux. Le pèlerinage ou Haj: moment le plus important de la pratique de la religion, le pèlerinage à la Mecque est un aboutissement pour le croyant qui en a les moyens physiques et financiers. A côté de ces cinq piliers de la religion, la pratique quotidienne intègre des interdits comme la consommation d'alcool et de viande abattue sans prononcer le nom de Dieu, ou d'animal considéré comme impur (le porc). Le croyant doit être généreux et solidaire, pratiquer l'hospitalité et le respect de tout être, défendre la justice sociale et les faibles. Des valeurs universelles. Différences et ressemblances Courants religieux et hiérarchies Il y a deux grands mouvements dans l'Islam. Le Sunnisme qui se réfère à la Sunna, code juridique inspiré par le Coran et à la parole de Mohammed. Il concerne 90% des Musulmans. Son principe fondateur: la religion est une relation personnelle de l'individu à Dieu. Les leaders religieux sont choisis dans et par la communauté. Les Sunnistes se différencient des Chiites, pratiquants plus radicaux, qui se réfèrent à une dynastie des prophètes à partir de la descendance de Ali, gendre de Mohammed. Les Chiites reconnaissent donc un pouvoir de médiation entre Dieu et les hommes à leurs chefs religieux, les imams. Dans les deux courants, les imams et ayatollahs ne sont pas tenus au célibat. Les femmes Leur statut actuel dans les pays musulmans se réfère davantage à une tradition patriarcale proche de la nôtre, que l'Islam justement vise à combattre. La femme dans l'Islam est actrice à part entière de la vie familiale et sociale. Elle a la charge d'aider son mari à gérer le foyer et d'éduquer les enfants. Mais elle possède ses biens propres (la dot donnée à son mariage) sur lequels le mari n'a aucun regard. Et le Coran la considère comme l'égale de l'homme. La polygamie, toujours actuelle quoique réduite, est strictement soumise à l'accord de l'autre épouse. Dans les faits, on estime à 10% maximum le nombre de musulmans polygames. La répudiation des femmes est désormais interdite dans une majorité de pays musulmans. Relations avec les autres croyances L'Islam est monothéiste et reconnaît les prophètes des religions précédentes - Abraham, Isaïe, Jésus, ... Il invite également à la rencontre et à la tolérance entre les peuples de croyances différentes et abolit le concept de races (il y a des musulmans africains, indonésiens, indiens, américains, ...). Loin de l'opposition caricaturale entre deux concepts de vie, le Coran révèle au contraire l'entente "naturelle" entre les Peuples se référant au Livre et se présente comme une continuité du Judaïsme et du Christianisme, en reconnaissant entre autres, la même genèse du monde à partir de sa création. Le fossé qui existe aujourd'hui entre une sphère occidentale et un univers musulman est certainement plus nuancé que ce qu'on nous en présente, et puise ses racines depuis les Croisades dans un conflit toujours latent entre deux civilisations fortes soucieuses de dominer les sociétés. En ce sens, l'Histoire nous révèle certainement autant d'intolérance cruelle dans les sociétés chrétiennes que dans le monde arabe et asiatique. Voile islamique: le port de l'angoisse? Le voile islamique est devenu un des symboles de ce "choc des cultures" dont on nous rabat les oreilles depuis un certain 11 septembre. Mais pour beaucoup de musulmanes, le voile semble être bien plus qu'un symbole: c'est un choix de vie qu'elles ont fait... ou pas. par Rémi Dalvio Bourrage de crâne à grands coups de traditions machistes ou affirmation volontaire de sa pudeur et de sa foi? Un des grands paradoxes du voile, c'est que celles qui le portent n'auront jamais autant été sous le feu inquisiteur des regards occidentaux. Depuis que son interdiction a été envisagée par certains hommes - et femmes - politiques, chacun a eu l'occasion de se faire une opinion. Certains l'envisagent comme un signe religieux ostentatoire ou pire, un instrument de soumission intolérable dans un pays laïque. Pour d'autres, comme le MRAX, il est interdit d'interdire: le port du foulard n'est pas en soi contraire aux valeurs de respect de la démocratie. Seuls certains comportements, comme l'imposition du voile, sont intolérables parce que incompatibles avec les valeurs de notre société. Enfin, il y a l'opinion des premières concernées: les musulmanes. Ou plutôt, les opinions. Parce qu'elles ne posent pas toutes le même regard sur la question. Témoignages. Vers un féminisme musulman Bochra et Malika portent le voile. Un choix personnel résultant d'une quête spirituelle et de la conviction que le voile leur permettrait de vivre plus intimement leur relation avec Dieu. Loin de l'image réductrice de la musulmane soumise, elles revendiquent leur voile comme un étendard d'un féminisme à la mode musulmane. "Aujourd'hui, les musulmanes se réapproprient le religieux avec une sensibilité féminine. Elles découvrent le message émancipateur du Coran et se rendent compte que leurs droits ont été bafoués. Je ne revendique donc pas seulement le droit de porter le foulard mais avant tout ma liberté de conscience et mon droit individuel à faire ce que je veux de mon corps". Cette vision du voile dérange tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la communauté musulmane. "D'un côté, se poser en tant qu'être de foi et pas seulement en tant que mère est difficile à accepter pour les hommes de la communauté. De l'autre, la société belge veut nous imposer un modèle d'émancipation, le seul considéré comme porteur de liberté universelle", affirme Malika. "Le port du voile et le rapport pudique à notre corps sont un modèle alternatif de femmes libres et libérées. Dieu nous a donné des droits qui nous sont propres en tant que femmes! C'est une égalité différenciée". Une nouvelle génération de femmes musulmanes, maîtrisant mieux les textes et plus revendicatives, voit le jour. Mais beaucoup de travail reste à faire. "Nos parents se sont tus. Nous résistons aux lois que l'on tente de nous imposer tout en dénonçant le port communautariste du foulard. Plutôt que d'interdire, l'école devrait offrir des outils de réflexion et des espaces de débat sans imposer quoi que ce soit. Ca permettrait à plus de jeunes femmes d'entrer dans une logique de réflexion plutôt que de passer leur temps à justifier leur choix". Une question de respect mutuel Dunia, 24 ans: musulmane, croyante... et sans voile Dunia: Je n'ai jamais envisagé de porter le voile. Mais je respecte le choix de celles qui le portent même si je ne comprends pas comment un objet peut être associé à une quête spirituelle. Par contre, je trouve intolérable que des filles de huit ans le portent. L'école a un grand rôle à jouer à ce niveau pour ouvrir les esprits... Tu te sens exclue des groupes de femmes qui le portent? Dunia: J'ai beaucoup d'amies qui portent le voile. Tu sais tout simplement qu'il y a des trucs, genre sortir en boîte, que tu ne vas pas leur proposer parce que tu sais qu'elles ne le feront pas. C'est une question de respect mutuel. Déjà eu des commentaires sur le fait que tu n'étais pas couverte? Dunia: Jamais! Pourtant, j'habite un noyau de l'immigration à Bruxelles. Mais je n'en reviens toujours pas qu'une fille de mon quartier ait été agressée parce qu'elle ne portait pas de voile! Penses-tu que tu pourrais le porter un jour? Dunia: Entourée de filles voilées, je me suis déjà posée la question. Peut-être un jour je le porterai parce que j'aurai envie de transmettre à mes enfants une culture et l'image, sage, que ma maman m'a projetée... Voile Aller/Retour Le cheminement personnel qui peut mener une femme à porter le voile n'est pas une voie à sens unique. Yasmine a décidé, à 29 ans, de retirer le sien. La religion et la transmission des traditions ont joué un rôle important dans l'éducation de Yasmine. Alors que l'adolescence pointe son nez, elle se penche sur le sens de la vie plutôt que sur une Playstation: "J'ai beaucoup lu et j'ai tenté de trouver des réponses en allant frapper à la porte des Mosquées". A quatorze ans, elle décide de pratiquer et de porter le voile. "Mais le voile était mal perçu dans mon école. Je le retirais pendant les heures de cours et le remettais une fois dehors". Quelques années plus tard, Yasmine n'en est pas moins toujours en quête de sens, celui du port du voile en particulier. "Je trouvais normal de pouvoir porter le voile en tant que belge musulmane vivant dans un pays démocratique garantissant la liberté religieuse. C'est très important pour les individus d'une communauté d'avoir des symboles qui servent de repère. Par contre, je comprenais aussi qu'une manifestation massive du voile puisse faire peur aux professeurs travaillant dans des écoles ghetto et que certaines réticences existent concernant son port pour certains emplois". Mais à 29 ans, Yasmine a une révélation... pas vraiment divine: "Je me suis rendu compte que le port du voile n'avait aucun fondement religieux. Il n'est qu'une construction pour distinguer les classes sociales. Beaucoup d'hommes le définissent exclusivement comme un symbole de pudeur et de préservation de son corps; définition qui ne me satisfait pas du tout". Yasmine décide alors de retirer le voile. "La réaction très ouverte de mes amis et de la communauté pratiquante face à ce choix m'a très heureusement étonnée et le fait de l'avoir ôté n'a rien modifié dans nos rapports". La différence principale entre l' "avant" et l' "après"? "Je passe plus inaperçue!" Entre Coca, MTV et Coran Loin du 'choc des civilisations', le devenir de la jeunesse d'origine arabe en Europe interpelle. De plus en plus ciblée par le marketing, elle est prise entre traditions et séduction publicitaire. Une synthèse de MTV et du Coran est-elle possible? par Frédéric Jarry Dans les années '60, le cinéaste Jean-Luc Godard avait peint la jeunesse hippie comme fille de Marx et de Coca-Cola. Aujourd'hui, les idéologies dépérissent. On ne croit plus à grand-chose, surtout chez les ados. Par contre, la conso est toujours là! "Certains jeunes revendiquent aujourd'hui leur identité via une façon de consommer, via certaines marques", explique Danielle Cantau, directrice de l'unité Marketing de Taylor Nelson Sofres. Et les 20-30 ans? "Nés dans un contexte instable, où chômage, éclatement de la cellule familiale, éclatement social et sida se côtoient, ils ont grandi dans un monde qui enterrait ses modèles et ses repères. A la place de ce ciment qui constituait la culture commune aux générations plus anciennes, une culture de l'image s'est développée (...) qui a fourni de nouveaux repères..." Pour les Belges d'origine maghrébine, c'est un peu différent: les valeurs traditionnelles sont présentes. La famille se doit de transmettre ses codes, ses règles. Mais comme les Belgo-belges, beaucoup de jeunes Arabes sont devant MTV et rêvent d'autres horizons... D'autant plus que le marketing attaque! MTV 'going local' enrôle un certain Mouloud et NRJ se convertit au R'n'B. Sans parler des fringues et des boîtes, de plus en plus attirées par le pouvoir d'achat des jeunes maghrébins. "C'est vrai que nous sommes très sensibles aux signes extérieurs de richesse. Mais, au-delà de l'Islam, c'est plus un phénomène méditerranéen. Dans le Sud, on aime voir et être vu", explique Souad Razzouk, jeune députée MR à Bruxelles. "En général, les filles arabes soignent fort leur look. Celles qui ont des ennuis et sont envoyées au 'pays' sont de plus en plus minoritaires! Aujourd'hui, les filles tentent de respecter les coutumes quand elles sont chez leurs parents." "Elles veulent les protéger de ce qu'elles vivent elles-mêmes. Donc, sur leurs fringues, leurs sorties et leurs mecs, elles sont discrètes", raconte Wakou qui sort avec une Marocaine. "Les filles sont assez libres à partir du moment où elles bossent et se prennent un appart seule. Faut dire qu'elles sont plus nombreuses à décrocher un job que les mecs!" Entre schéma économique occidental et Islam, schizophrénie culturelle à la clé? Lors d'un micro-troitoir rue Neuve (Bruxelles), Myriam, 21 ans, s'exclame: "Il n'y a pas de contradiction! Il suffit de ne pas exagérer, ni dans la tradition, ni dans la vie moderne!" Pour Samira, étudiante en marketing, la foi ne pose pas de problème, car elle s'intériorise: "il n'y a pas de bug entre mon look et ma foi. Ma foi, je la cultive de façon plus intime..." Les choix deviennent "des libertés personnelles. Parfois, quelqu'un peut faire une remarque pour remettre un Musulman sur le droit chemin, mais ce n'est pas un jugement. La notion de jugement n'existe d'ailleurs pas dans l'Islam", rajoute Samira qui se dit croyante, mais pas pratiquante. Et les garçons? Interrogés, ils ne semblent pas faire la police chez leurs soeurs. "Du moment qu'elles ne sont pas trop vulgaires, elles peuvent s'habiller comme elles veulent... Mais de toute façon, je n'irai jamais leur dire quoi que ce soit", s'exclame Khalid, 21 ans. Grand consommateur de films américains, de fringues fashion et de rap, il ne voit pas non plus de contradiction. Idem pour Youness et Hicham, tous les deux étudiants à l'unif. Mais certains parlent tout de même du "risque de dissolution progressive de notre identité avec l'influence de la pub et l'imitation des autres", comme Fatima, étudiante en sciences-po. Peut-on tabler uniquement sur les phénomènes genre Raï'n'B qui seraient, selon Wakou, "la preuve qu'une évolution est possible, entre le monde arabe et la culture américaine"? Ce serait oublier que les réels défis pour l'intégration des cultures en Occident passent par la résolution de la crise scolaire, de la montée du chômage, des discriminations à l'emploi, etc. C'est dans les quartiers défavorisés où vivent les plus démunis, indépendamment de leur origine, que l'on sent parfois un certain repli communautaire, dû à la peur d'une société sans garantie socio-économique, ni réponse spirituelle... On peut, d'ailleurs, remarquer une certaine "crispation religieuse au moment du Ramadan. Sans doute, cette importance de la religion, toute récente, est-elle une réponse aux problèmes d'identité d'une génération déracinée en mal de repères", constate Joëlle Smets (Le Soir Magazine, 9/10/04). Quelle sera la part de Méditerranéens qui pourra jongler avec les codes de notre société et ceux de la tradition? Réjouissons-nous de la 'Movida Noir Jaune Beur', comme l'a fait le supplément Victor (Le Soir, 14/2/04). Mais restons vigilants, comme l'est Sam Touzani: "Le grand problème que j'identifie aujourd'hui, c'est surtout celui de la misère culturelle et intellectuelle." Nombreux sont les spécialistes à faire leur commerce sur la question! Vive la différence! La visibilité homosexuelle est devenue la norme en Occident. Qu'en est-il de la communauté musulmane et des immigrés maghrébins? Facile d'être turc et homo à Bruxelles? Esquisse de réponse autour de Merhaba, association militant pour le droit à la différence, toutes les différences. par sandrine Fauvin Religion et homosexualité n'ont jamais fait bon ménage. Catholique, juif ou musulman, mieux vaut ne pas trop fantasmer sur le torse moquetté du voisin! En Europe, la séparation de l'Eglise et de l'Etat a largement contribué à diviser religion et vie sociale. La laïcité, qui protège avant tout la liberté individuelle (dans le choix de la pratique d'un culte ou l'athéisme), a érigé en principe inaliénable la qualité universelle de tout individu. Noir, rouge, juif ou lesbienne, l'Etat garantit à ses citoyens sécurité et bien-être. Dans les textes, le monde ressemble étrangement à Disneyland... Blanche-Neige crapahute joyeusement avec Pocahontas et Peter Pan vit une histoire SM avec le capitaine Crochet! En Belgique, la loi protège effectivement les gays. Trente années de luttes ont abouti à la reconnaissance du mariage homosexuel. La tolérance est de mise. Gageons que pour les générations futures l'homosexualité ne sera même plus un enjeu ou un débat. "Maman, c'est vrai qu'avant les lesbiennes étaient montrées du doigt?" "Ben oui, tu sais, c'était les années '80!" Fort de cette histoire et de cette imprégnation culturelle mâtinée de droits de l'homme et autre siècle des lumières, il est parfois difficilement envisageable pour un occidental de rencontrer et comprendre la culture orientale, particulièrement lorsqu'on aborde la question de l'homosexualité. Les différences s'expliquent et doivent être acceptées, comprises, pour faire avancer les choses. C'est le parti pris de l'association Merhaba qui milite pour une visibilité et une tolérance accrues des gays d'origine maghrébine. Et tout d'abord au sein même de la communauté arabo-musulmane: pas facile d'être gay dans un espace où tradition, religion et famille sont les ciments de la cohésion sociale. En témoignent, Rafik, Abdul et Hassan (1). Rafik: "Mes parents ne savent pas que je suis gay et ça les choquerait de l'apprendre. De toute façon, je suis convaincu qu'ils ne comprendraient pas. Pour eux, l'homosexualité se résume à la sodomie." Même son de cloche pour Abdul: "Faire son coming-out, c'est toujours difficile, mais ça l'est encore plus quand on est musulman. Dans la société maghrébine, l'homosexualité est taboue. Quand on en parle, on est tout simplement exclu." Hassan persiste et signe: "Je n'ai malheureusement pas encore fait mon coming-out auprès de mes parents ou de ma famille pour des raisons culturelles et religieuses. Je dis malheureusement, parce que j'aimerais pouvoir le faire, mais je ne crois pas que j'aurai le courage ou la force de le faire un jour." Entre hypocrisie et frustration, désir de reconnaissance et attachement aux racines, les gays ou lesbiennes d'origine maghrébines accumulent les déchirements. Concrètement, cela se traduit souvent par un mariage de convenance. Après la naissance des enfants, les gays et lesbiennes musulmans s'arrangent pour réaliser discrètement vie sexuelle et affective. Plutôt que devoir choisir de façon radicale entre sexualité, famille ou identité, Merhaba fait l'audacieux pari d'autres alternatives. Reconnaissance, échange, accueil, mais aussi information ou tout simplement soutien constituent les "5 piliers" de l'association. Merhaba rencontre aussi régulièrement d'autres asbl arabo-musulmanes construisant des ponts jusqu'ici difficilement envisageables. Loin de négliger la dimension festive, Merhaba organise tous les seconds vendredis du mois la très tendance 'arab funky party' rassemblant le temps d'une nuit, gays et lesbiennes arabo-musulmans. Ici encore, le métissage, qu'il soit musical ou ethnique, est privilégié, jure la main levée sur la platine DJ Luuuk, l'organisateur des soirées. Les Turcs se déhanchent sur la musique traditionnelle algérienne et les Marocains emballent sur des rythmes égyptiens. Minorité parmi les minorités, les difficultés auxquelles se heurtent les gays d'origine arabo-musulmane incarnent les défis sociaux d'aujourd'hui et de demain: construire une société où tradition, liens familiaux et culture perdurent sans sacrifier, au passage, les élans progressistes qu'impose l'évolution des moeurs et des comportements. L'avenir est au métissage entre communauté musulmane et européenne? Inch allah!
 

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