Interview Frank Darabont (The Mist) - Dossier Cinema

 
J'aime suivre l'exemple de meilleurs réalisateurs que moi... C'est en 1994 que Frank Darabont se retrouve pour la première fois derrière une caméra de cinéma, et tourne 'The Shawshank Redemption', l'histoire de l'amitié entre deux prisonniers (Tim Robbins et Morgan Freeman) condamnés à une longue peine. On ne parlera pas de succès massif, mais sa réputation n'a cessé de grandir, et aujourd'hui, il est considéré comme l'un des films les plus appréciés des années '90, et l'une des meilleures adaptations cinéma de Stephen King tout court. Pas mal pour un débutant, même s'il faut savoir qu'à l'époque, Darabont était déjà âgé de 35 ans, et avait accumulé pas mal d'expérience en tant qu'écrivain. Cinq ans plus tard, il se tourne à nouveau vers l'oeuvre de Stephen King pour 'The Green Mile', l'histoire d'un gardien de prison (Tom Hanks) qui fait face à un prisonnier extraordinaire. En 2001, il réalise 'The Majestic', une histoire pleine de bons sentiments sur un scénariste dans les années '30 (Jim Carrey), qui perd la mémoire et trouve refuge dans une petite ville. Après sept ans de silence, le revoici, adaptant à nouveau Stephen King avec 'The Mist', mais cette fois, on se trouve face à une oeuvre acérée, une histoire terrible de gens qui se réfugient dans un supermarché pour échapper à un brouillard mystérieux et mortel. Le cinéma d'horreur se porte à nouveau bien ces dernières années. Comment se fait-il qu'il vous ait été tellement difficile de lancer le projet 'The Mist'? Frank Darabont: Il n'y a qu'une raison: la fin. Faire un film comme 'The Mist' n'est pas ce qu'il y a de plus facile. Au final, la portée commerciale d'un film est la seule mesure que les studios prennent en compte, et quand on veut raconter une histoire qui est tout sauf rose et mignonne, on effraye par définition pas mal d'investisseurs potentiels. Pour eux, ce qui est sombre ne peut être commercial, et ils ne veulent pas en entendre parler. C'est pour ça que je suis tellement reconnaissant à Bob Weinstein. Il est le seul à y avoir vraiment cru et il a bien voulu mettre de l'argent sur la table. J'ai eu d'autres propositions, mais il fallait alors par exemple que je change la fin. Bob a été d'accord à condition qu'on travaille avec un plus petit budget. Finalement, le film a coûté 15 millions de dollars, et a été tourné en six semaines, la moitié du temps utilisé pour tourner 'The Shawshank Redemption', 'The Green Mile' et 'The Majestic'. Mais ce n'était pas grave. Je préfère me battre pour faire le film qui est dans ma tête que de faire des compromis énormes pour deux fois plus d'argent. Je ne saurais d'ailleurs pas comment faire. Peut-être que cette pression temporelle a fait du bien au film. Frank Darabont: Je crois, oui. Beaucoup de mes films de genre favoris, comme 'Night of the Living Dead' et 'The Texas Chainsaw Massacre', ont été tournés rapidement et pour peu d'argent, à l'époque. J'ai aussi essayé d'intégrer ça dans le look du film. Si je voulais tourner un film qui donnait l'impression d'être filmé sur place tandis que l'enfer se déchaine, il fallait en accepter les difficultés. Le fait d'avoir tourné un épisode de 'The Shield' comme préparation a surement aussi aidé. Dans cette série, par définition, tout se tourne caméra à l'épaule, et sans prendre de gants. Ils suivent simplement l'action. Ce qui frappe aussi, c'est la quasi-absence de musique, sauf à la fin. Frank Darabont: Ce sont des choses que l'on sent quand on monte le film. C'est là qu'on se rend compte de ce dont le film a besoin. La musique est l'un des éléments que l'on peut éventuellement ajouter et essayer. Et je me suis rendu compte qu'à chaque fois, ça sonnait très artificiel quand j'ajoutais de la musique sur une scène où les acteurs parlent entre eux. Je pense que cela a à voir avec le ton du film et l'approche documentaire. Je voulais que le film donne un sentiment de vérité, comme si on y était vraiment. Ceci dit, je suis un grand fan de musique de film, ce que l'on peut constater dans mes autres films, mais ce n'est pas suffisamment réaliste. Et dans le cas présent, ça sonnait faux. C'est pour ça qu'il y a une touche de musique ici et là, mais on ne s'en rend presque pas compte. Je l'utilise principalement pour les scènes d'action. Tout à la fin, j'ai voulu une musique forte, car la vitesse du film augmente, et le ton change. Il vous a fallu longtemps pour être satisfait des monstres? Les effets digitaux sont souvent peu réalistes. Frank Darabont: C'est vrai que le spectateur doit y mettre un peu de bonne volonté, mais c'est le cas pour tous les effets spéciaux. En termes de ton, 'The Mist' veut rendre hommage aux vieux films de Ray Harryhausen, le grand-père des effets spéciaux, qui étaient tout sauf réalistes. Mais on les aime parce qu'ils peuvent être replacés dans un certain contexte et qu'on sait qu'ils ont été réalisés avec la technologie disponible à l'époque. Et puis, un film qui vous prend par les tripes et vous happe dans l'histoire peut se permettre d'avoir un peu moins d'effets, on ne s'en rend même pas compte. J'étais très heureux des effets réalisés pour 'The Mist' vu le manque de temps et l'étroitesse du budget. On a dû tout faire pour quatre millions de dollars, c'est à dire environ 108 millions de moins que 'Pirates of the Caribbean 3'. C'est donc une sorte de miracle qu'ils soient si réussis. Sur le dvd, il y aura aussi une version noir et blanc du film. Ca ne m'étonnerait pas que les effets passent encore mieux. Frank Darabont: C'est bizarre, mais vous avez raison. Peut-être que ça a un rapport avec le contexte, du fait qu'on a plus l'habitude de voir ce genre de monstres dans des films en noir et blanc que dans un cinéma moderne. Dans l'histoire originelle, il y a une scène d'amour. Pourquoi l'avoir éliminée? Frank Darabont: Parce que j'avais le sentiment qu'elle ne s'intégrait pas dans le puzzle. Stephen King parvenait à lui donner un sens dans son histoire, mais dans le film, ça ne marchait pas. Tout le monde aurait eu l'impression que le personnage principal est un salaud s'il avait tiré avantage de la situation, et je voulais éviter ça à tout prix. Dans 'Jaws' il y avait aussi un truc dans le genre. Dans le livre de Peter Benchley, le scientifique a une affaire avec la femme du sheriff. J'ai toujours trouvé que c'était un peu hors de propos. Heureusement, Steven Spielberg a eu l'intelligence d'éliminer ça de son scénario. J'aime suivre l'exemple des réalisateurs qui sont meilleurs que moi. (rit) Le personnage principal de 'The Mist' est créateur d'affiches de films. Pourquoi lui avoir donné ce boulot-là? Frank Darabont: Dans l'histoire originelle de King, il était déjà un graphiste, même s'il travaillait dans la pub. J'en ai fait quelqu'un qui crée des affiches de film. C'est un clin d'oeil à l'un de mes amis, Drew Struzan, une légende vivante dans le domaine des affiches de films. Je suis tellement fou de ce qu'il fait que j'ai voulu profiter de cette occasion pour lui faire un peu de publicité au début du film. Les posters que l'on voit alors sont ceux de 'Pan's Labyrinth', 'The Thing' et 'The Dark Tower', et ont tous été crées par lui. Les gens le connaîtront sans doute mieux pour les posters qu'il a créés pour les 'Star Wars' et les 'Indiana Jones'. Je trouve qu'il est absolument brillant. On trouvera d'ailleurs un court hommage au bonhomme et à son travail sur le dvd de 'The Mist'. Je trouve important que quelqu'un comme lui, qui n'est généralement jamais mis en avant, ait droit à des fleurs. Et pourquoi ces affiches-là? Frank Darabont: Pour diverses raisons. 'The Thing' est l'un de mes films d'horreur favoris. J'ai d'ailleurs un temps caressé l'idée d'en faire une sorte de suite pour la télévision. 'The Dark Tower' est une série de livres de Stephen King et j'ai aussi pensé à en faire une adaptation au cinéma. Et 'Pan's Labyrinth' est à mes yeux déjà un classique, un chef-d'oeuvre absolu. Guillermo del Toro, son réalisateur, est entre-temps devenu un ami, et ce poster est placé bien en évidence chez moi dans ma pièce de projection. Ruben Nollet
 

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