Interview de José Padilha, réalisateur de 'Tropa de elite 2' - Dossier Cinema

 
Lorsque José Padilha a reçu l'Ours d'Or à Berlin en 2008, les réactions ont été mitigées. Du côté des pro, on soulignait la morale osée de ce film d'action, et sa justesse, les critiques parlaient eux de manifeste protofasciste défendant l'utilisation de la torture et de l'assassinat par un corps de police d'élite. Quoi qu'il en soit, dans son pays, 'Tropa de elite' connut un succès monumental, il a décroché quasiment tous les prix cinématographiques possibles et Padilha est devenu instantanément célèbre. Le réalisateur, qui n'avait jusqu'alors tourné que des documentaires, a décidé de battre le fer tant qu'il était chaud. Dans 'Tropa de elite 2', il s'attaque à un angle encore plus sensible, au-delà d'une police corrompue et du trafic de drogue: la suite parle de politique, tout aussi corrompue que le reste. 'Tropa de elite 2' a à nouveau été un super hit au Brésil, et il s'est aussi retrouvé au programme du Festival de Berlin. Avec un résultat plus mitigé. Décevant, mais compréhensible, estime le réalisateur.

Padilha:

Je préfère quand mes films suscitent de chaudes discussions, mais il est clair que 'Tropa de elite 2' est plus aisé à comprendre que le précédent. Le premier 'Tropa de elite' présentait une structure inhabituelle avec un narrateur qui n'évoluait pas. Le personnage qui se voit transformé était quelqu'un d'autre. Si on s'identifie au narrateur, il y a des chances que l'on passe à côté de la critique contenue dans le film. Cette critique n'émane en effet pas du narrateur. Il faut regarder plus loin afin de découvrir ce que le film raconte. 'Tropa de elite 2' est bien plus simple. Le narrateur a compris qu'il s'était trompé la fois précédente, qu'être un flic violent n'est pas bien. Mais finalement, il n'est quand même que la marionnette des politiciens. Raison pour laquelle le film porte beaucoup moins à controverse.

Doit-on voir 'Tropa de elite 2' comme une réponse aux critiques avancées pour le premier?

Padilha:

Je ne travaille pas comme ça. Le cinéma est un médium unique pour moi. Je suis toujours frappé par cette tendance que les gens ont de juger un réalisateur film par film, alors que les peintres sont évalués sur tout une période. Les critiques oublient parfois que ma carrière comporte plus qu'un film. 'Tropa de elite' et 'Tropa de elite 2' sont dans la lignée immédiate de ce que j'ai fait auparavant.

Faut-il être Brésilien pour entièrement comprendre 'Tropa de elite 2'?

Padilha:

Il y a évidemment des détails qu'un étranger ne remarquera pas, mais c'est vrai pour tous les films. Un film de gangsters de Scorsese comme 'Goodfellas' contiendra aussi d'autres niveaux de compréhension pour quelqu'un originaire de New York. Un film perd par définition une partie de sa signification à l'exportation. L'histoire ne se passe pas seulement à l'écran, mais aussi dans la tête du spectateur. Il ajoute ses propres expériences à ce qu'il voit.

Pourriez-vous donner un exemple de quelque chose qu'un étranger interpréterait différemment?

Padilha:

La scène au cours de laquelle le personnage principal Nasciemento s'attaque à la personne à cause de qui son fils est à l'hôpital en est un bon exemple. C'est une scène qui marche dans l'histoire, car le gars en question est un méchant, et le spectateur veut qu'il soit puni. Pour le public brésilien, cet homme représente véritablement la politique corrompue en général, et c'est là que la réalité entre dans le film, ce qui amène une catharsis. Au Brésil, à ce moment-là, le public se lève et applaudit. Mais à l'étranger, ce n'est pas le cas, car les gens n'en on pas marre le la politique brésilienne.

Pourtant, les politiciens corrompus et incompétents ne sont pas une exclusivité brésilienne.

Padilha:

C'est aussi vrai. J'ai été interviewé par un journaliste autrichien qui m'expliquait qu'en Autriche, les choses se passaient exactement de la même manière, les balles en moins. (rit) La corruption se retrouve en effet partout. Et le thème du film souligne l'effet négatif de la corruption sur le tissu social. C'est universel. Mais tout le contexte, dans 'Tropa de elite 2', est spécifiquement brésilien.

Avez-vous réalisé beaucoup de recherches pour ce film?

Padilha:

Enormément. Mes coscénaristes Rodrigo Pimentel et Bràulio Mantovani [à qui on doit 'Cidade de Deus', rn] voulaient que le moindre détail soit correct. Lorsque j'ai tourné le documentaire 'Bus 174', j'ai rencontré plus de 30 agents de police et j'ai demandé à l'un d'entre eux de travailler avec moi sur le script. Nous estimions que cette approche était nécessaire afin de rendre une image fidèle de la situation. Pour 'Tropa de elite 2', j'ai passé beaucoup de temps au parlement. Les citoyens peuvent y entrer sans problème pour y suivre les débats. J'ai consulté toutes les minutes des enquêtes sur les milices. J'ai visité la prison de Bangu. Nous n'avons rien laissé au hasard.

L'une des figures les plus marquantes du film est un politicien possédant son propre programme télé, où il démolit ses opposants politiques. C'est du vrai?

Padilha:

Absolument. Ce programme existe. Il y en a même plus d'un. J'ai entendu dire qu'ils en avaient aussi en Italie. Au Brésil, cela ne pose pas le moindre problème qu'un show télé de ce genre soit présenté par un politicien. Nombre de ces programmes sont également énormément populaires. On les entend également tout le temps à la radio. La plupart des radios brésiliennes appartiennent à des politiciens. Cela fait partie de la corruption. Ces politiciens aident le gouvernement, et en échange, ils reçoivent une licence pour lancer leur propre station de radio. Ruben Nollet
 

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