Le 14 février 2006, Darry Cowl nous quittait. Pour fêter ce triste anniversaire, Tonton Welshman a décidé de rigoler un bon coup en sortant Le Triporteur du placard. Hommage.
Cinq ans sans toi… Cher Darry Cowl, je vais me permettre de te tutoyer dans cette chronique en forme de lettre ouverte. Tu ne m’en voudras pas, j’espère, de cette familiarité mais, au bout du 50e visionnage de ton chef d’œuvre de 1957, j’estime l’avoir mérité. Oui, j’ai dit chef d’œuvre à propos du Triporteur, ce film qui lança ta carrière tel une Aronde gaullienne traçant son chemin sur la Nationale 7, un week-end de chassé-croisé.
Ah, la Nationale 7, ces « Champs Elysées de la France » comme le dit si bien Pierre Mondy, gendarme à moto et philosophe à ses heures. Cette N7 qui sent bon les congés payés, le romarin, l’huile solaire, et que tu empruntes avec ta « casserole à roues », ton triporteur de commis pâtissier. Destination ? Nice. Raison ? Football.
Oui, Darry, joueur tu fus, joueur tu restes. Des casinos au stade du Ray, le tapis est toujours vert. Alors, incarnant à merveille Antoine Peyralou, tu files vers la côte d’Azur pour aller supporter en finale d’une improbable coupe ton équipe fétiche, celle de ton village aux fenêtres mi-closes et au pompiste bigleux.
Road-movie romantico-sportif
Vauxbrelles en finale de la coupe, il n’y avait que toi pour rendre ça possible. En même temps, tu es en roue libre grâce à Jack Pinoteau. Parce que, dans la famille, le talent n’a pas été équitablement réparti. Claude Pinoteau, le frangin, assistant réalisateur du Triporteur, s’en rendra compte assez tôt pour aller faire des films chiants (ou films d’auteur).
Grâce à Jack, on garde la preuve par l’exemple qu’on peut faire un film, que dis-je, un road-movie romantico-sportif, avec pas grand-chose : le triporteur, on l’a ; le héros un peu benêt à qui il arrive toutes les tuiles possibles jusqu’à la révélation footballistique, aussi, puisque c’est toi, mon cher Darry.
Ne manquent plus que la starlette (Béatrice Altariba, vue –sans jeu de mots- dans les Yeux sans visage, de Franju), les flics tiraillant à moto, le satyre de Juliénas, le bellâtre en coupé sport (Jean-Claude Brialy), le paysan vindicatif (Roger Carel), le président de club à cigare, le légendaire Dabek qui n’est autre que le gardien et idole du FC Vauxbrelles (Mario David).
« Dans le décor, l’Excelsior ! »
Les péripéties se multiplient sur ton chemin. J’ai personnellement un coup de cœur particulier pour l’opération du triporteur blessé, dans une tente de camping transformée en cours magistral de médecine. Darry Cowl, le professeur Cabrol de l’hôtellerie de plein air !
Heureusement, dans un éclair de lucidité, tu nous diras que « c’est pas normal. Il faut que je sache ce qu’il se passe. » Et tu vas voir et tu bois par accident un grand verre de « doping » et tu deviens invincible pour le morceau de bravoure du film, ces minutes devenues cultes.
Remplaçant Dabek dans les buts vaubrellois, tu sautes, tu gambades, tu plonges, tu repousses, tu te fous de la gueule de les adversaires de l’Excelsior (« Dans le décor, l’Excelsior ! ») et tu marques un but et tu es porté en triomphe et tu repas comme tu étais venu : sur ton triporteur. Enfin, avec la starlette et la coupe en suppléments de bagage.
Darry Cowl, le nanar vous doit tant (tu permets que je te vouvoies ?). Vous nous manquez. Parce que Lagaf'', même en Baltringue, c’est vraiment pas pareil.