Basé sur un évènement qui déferla la chronique aux Etats-Unis dans les années '70, Lasse Hallström dirige avec justesse Richard Gere et Marcia Gay Harden dans 'The Hoax', un film qui relate, non sans humour, le récit d'un écrivain raté qui proclama faussement avoir reçu les droits d'écrire la biographie d'Howard Hughes, le célèbre millionnaire reclus.
RICHARD GERE: Entre opinion, art et univers...
Aviez-vous entendu parler de Clifford Irving avant de jouer le rôle?
Richard Gere: Oui, j'avais entendu parler de lui et de sa fausse biographie d'Howard Hughes; j'étais un jeune acteur à New York lorsque cet épisode s'est produit. Ce que je ne savais pas, c'était sa connexion avec le président Nixon et l'histoire du Watergate; en fait personne n'était au courant de cela.
Comment expliquez-vous son comportement?
Richard Gere: Je pense que Clifford n'a jamais grandi, c'est un genre de Peter Pan. On suit sa régression, il en arrive à ne plus faire la différence entre son monde imaginaire et le monde adulte, supposé être réel. Je pense qu'il y a un lien entre petites tromperies et grosses fraudes, les petits mensonges de notre vie privée sont en fait rattachés à l'univers entier et peuvent être responsables de véritables chaos! L'isolation n'existe pas.
Vous ne mentez donc jamais?!
Richard Gere: Constamment (rires)! Mais la plupart des mensonges viennent d'un manque de connaissance. On vit à la surface des choses, on n'a pas l'impression de mentir, on ne fait qu'omettre des informations... Je pense que nous mentons tous un peu mais rien d'important; comme quand on jure à sa femme que l'on ne regardait pas passer une jolie fille dans la rue (rires).
Etiez-vous curieux de rencontrer le véritable Clifford?
Richard Gere: Oui mais j'ai décidé de ne pas le faire. J'avais une idée précise de la façon dont je voulais jouer le personnage, il y a beaucoup de documentations sur lui, des documentaires, des émissions dans lesquelles il est passé à l'époque, ses livres... J'ai décidé de me transformer physiquement pour lui ressembler mais je ne voulais pas que ma performance soit influencée par notre rencontre. Il est clairement très manipulateur et a tellement menti que je ne pense pas qu'il sache encore la vérité des fait tels qu'ils se sont réellement produits; il y a même des notes qu'il a donnés pour le scénario qu'il contredit à présent!
A-t-il vu le film?
Richard Gere: Je ne suis pas certain mais je crois que oui. Je ne sais pas comment il a réagi mais ce doit être assez étrange. Vous pouvez imaginer l'effet que cela fait de voir un film sur votre vie surtout que nous n'avons pas hésité à critiquer ses actions et que l'histoire, liée à des faits politiques, est assez complexe.
Quelle est la morale de cette histoire?
Richard Gere: Ce n'est pas un film sur ce qui s'est passé en 1971, c'est une constatation sur nos rapports avec la vérité, comment cela affecte les décisions prises par nos chefs d'Etats ainsi que notre comportement avec les autres et notre planète.
Est-ce facile d'appliquer les règles du bouddhisme au jour le jour?
Richard Gere: C'est impossible! Mais ce qui importe, c'est d'essayer. Je me suis intéressé au bouddhisme parce que je souffrais et je me demandais pourquoi. J'ai regardé autour de moi et me suis rendu compte que c'est pareil pour tout le monde. En surface, tout va bien mais à l'intérieur ça ne va pas; ce n'est qu'une illusion... Nous ne voulons pas le reconnaître mais nous sommes tous liés les uns aux autres, il suffirait que l'on en prenne tous conscience pour que le monde soit transformé, mais nous n'en sommes pas encore là...
MARCIA GAY HARDEN: "Je ne choisis que de beaux rôles"
Qu'est-ce qui vous a plu dans cette histoire?
Marcia Gay: J'ai été fascinée par le personnage d'Edith, cette jeune artiste hippie constamment à la recherche de la vérité dans sa relation avec son mari. J'adore son attitude, son look, son accent allemand... C'est toujours amusant pour moi de pouvoir me perdre le plus possible dans un rôle. Je ne l'ai pas rencontrée mais je me suis basée sur un petit documentaire bizarre d'Orson Welles intitulé 'Fake' où elle apparaît quelques secondes.
L'accent allemand que vous prenez est incroyable!
Marcia Gay: Ca n'a pas été facile, Edith est Suisse allemande, elle a appris l'anglais dans une communauté internationale à Ibiza et à l'époque Clifford, qui est américain, n'arrêtait pas de la corriger. Sa façon de parler était très inconsistante, j'ai dû tout décortiquer, j'ai travaillé phonétiquement et je me suis immergée dans son accent, même à la maison; au grand regret de ma fille qui a fini par ne plus le supporter (rires)!
Pensez-vous que le travail d'acteur soit une fraude?
Marcia Gay: C'est vrai mais il ne faut pas oublier que tout le monde participe à cette fraude! Les gens payent un ticket pour voir cette fiction; ce n'est pas une tromperie, c'est un divertissement.
Comment choisissez-vous vos rôles?
Marcia Gay: Ma vanité fait partie de mes choix. Je ne choisis que de "beaux" rôles, ceux qui me permettent d'étirer mes capacités, qui racontent une histoire à laquelle les gens, en particulier les femmes, peuvent s'identifier et apprendre quelque chose sur les différentes facettes de la condition humaine. Si je n'avais pas été actrice, j'aurais aimé être anthropologue. La race humaine et sa socialisation me fascinent vraiment!
N'est-il pas frustrant de voir certaines de vos scènes coupées au montage?
Marcia Gay: Dès que vous acceptez un projet, vous devez être conscient de ça. J'ai l'ego d'une actrice de premier rôle alors c'est vrai que c'est un peu décevant, vous voulez que le public profite de votre performance dans son entièreté. Mais en tant qu'artiste vous devez accepter cela et collaborer, ou alors vous serez misérable toute votre carrière! Le script que j'ai lu au départ est différent du résultat final, ils ont laissé de côté une grande partie de la relation entre Edith et Clifford au profit d'une histoire plus politique. Si je suis un peu déçue, je trouve cette approche intrigante, surtout avec ce qui se passe dans notre gouvernement et les médias au jour d'aujourd'hui. J'espère que l'audience pourra en tirer quelque chose de pertinent.