Bernard Sumner - Interview Cinema

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'Control', c'est l'histoire du chanteur de Joy Divison, Ian Curtis. Et s'il y a bien une personne capable de nous dire si le film d'Anton Corbijn est proche de la vérité, c'est Bernard Sumner. Guitariste à l'origine, il s'est transformé par la suite en chanteur pour New Order, le groupe né des cendres de Joy Division après le suicide de Curtis.

Est-ce que 'Control' donne une image fidèle de ce qui s'est passé à l'époque?

Bernard Sumner: très fidèle. J'en suis resté ébahi en voyant le résultat. On sent vraiment qu'Anton Corbijn a travaillé avec son coeur et son âme, et qu'il a fait de son mieux pour raconter l'histoire de la manière la plus honnête possible. Personne n'est présenté comme étant le "méchant". Et l'interprétation de Sam Riley est tout simplement bluffante. Je n'ai toujours pas compris comment il a pu faire ça. Il n'a jamais rencontré Ian Curtis, et on ne peut pas dire non plus qu'il ait pu se baser sur beaucoup d'images.

Le Ian que vous avez connu dans le privé était donc comme ça?

Bernard Sumner: Si je devais avoir une seule critique à propos de 'Control', c'est que Ian était parfois encore plus explosif que ce que l'on montre dans le film. Quand il n'obtenait pas gain de cause, il pouvait sérieusement péter un câble. Surtout lorsque Rob, notre manager, ne pouvait plus lui avancer d'argent. Je me souviens d'une répète où Ian avait atteint un tel niveau de frustration qu'il s'est mis une poubelle en métal sur la tête, et a commencé à se frapper la tête contre le mur. (rires)

Un film comme celui-ci, c'est le genre de chose qui vous plaît?

Bernard Sumner: Aussi étonnant que ça puisse paraître, oui. C'est vrai que tout cela, je l'ai vécu, que j'ai connu toutes les personnes qui sont ici présentées, mais malgré tout, ça m'a donné l'impression d'être une sorte de révélation. Quand on a été aussi proche de tout, c'est parfois malaisé de prendre de la distance. Autant des journalistes que des fans m'ont demandé à de nombreuses reprises si j'avais une idée de la raison pour laquelle Ian s'est suicidé, et j'ai toujours eu énormément de difficulté à donner une réponse. 'Control' a clarifié certaines choses pour moi. Suite à une série de mauvaises décisions, Ian s'est retrouvé dans une position terriblement difficile. A 21 ans à peine, il était marié, avait une fille, il avait remis sa démission pour pouvoir se concentrer sur le groupe, et il était tombé amoureux d'une autre femme. Trop de mauvais choix pour quelqu'un de si jeune. Et là, on n'a pas encore abordé ses problèmes d'épilepsie et les lourdes médications qu'il devait suivre, et qui avaient une influence énorme sur son humeur et sa clarté d'esprit.

Le film montre que juste avant sa mort, il est venu vivre avec vous pour quelques semaines. Il était comment à ce moment-là?

Bernard Sumner: Il était pareil au Ian que j'avais toujours connu, mais il était clairement à la recherche de quelqu'un pouvant lui dire ce qu'il devait faire, comment il pouvait mettre un peu d'ordre dans sa vie. Il n'avait pas envie de dénouer tout ça lui-même. (soupir) Je ne pense pas que qui que ce soit parmi nous ait quoi que ce soit à se reprocher. On a fait tout ce qu'on pouvait pour lui changer les idées, surtout après sa première tentative de suicide. Je me souviens encore m'être promené dans un cimetière avec lui au cours de ces dernières semaines. Je lui ai dit "Ian, pour le même prix, ton nom serait aujourd'hui sur l'une de ces pierres tombales." Mais il ne voulait pas écouter.

Vous avez même essayé de l'hypnotiser. Pourquoi?

Bernard Sumner: Je ne sais pas si je suis très heureux qu'Anton ait inclus ça dans le film. C'est un truc qu'on avait commencé à faire pendant les répétitions, parce qu'on s'ennuyait terriblement. J'avais lu un livre sur l'hypnose, sur comment cette technique permettait de revivre des événements du passé. Au cours d'une répétition, j'ai essayé avec Ian, et il a eu toutes sortes de visions. Mais lorsqu'il est revenu à lui, il ne se souvenait de rien. Alors qu'il logeait chez moi, juste avant sa mort, j'était justement en train de lire un truc sur le rôle que l'hypnose peut jouer dans l'explication d'un comportement particulier. Ce livre disait que cela avait un lien avec la réincarnation et les vies précédentes. Un jour, j'ai proposé, à 4 heures du matin, alors qu'on s'ennuyait à nouveau, d'essayer encore une fois, et cette fois d'enregistrer ce qui se disait. Et il a eu exactement les mêmes visions que la fois précédente, des scènes de vies antérieures. C'était vraiment une tentative désespérée pour lui donner un coup de main, et je ne l'ai plus jamais fait depuis.

Ca fait quoi de voir un acteur jouer ce que vous étiez plus jeune?

Bernard Sumner: Tout bien considéré, ça va. Moi-même, ou les autres membres du groupe, nous ne sommes que des personnages secondaires dans le film, et c'est un point sur lequel nous avions insisté auprès d'Anton. 'Control' devait raconter l'histoire de Ian, ce n'était pas un film sur un groupe de rock. Sinon, on se retrouve avec un truc comme 'The Doors' d'Oliver Stone, de la vraie camelote. Il fallait que ce film puisse aussi toucher des gens qui n'ont jamais entendu parler de Joy Division ou qui ne sont pas des fans.

Ce n'est pas grave si le film vous présente comme le membre le plus nerveux?

Bernard Sumner: (rit) J'en parlais encore hier soir avec le scénariste, Matt Greenhalgh, et il me disait qu'il regrettait de ne pas m'avoir rencontré avant de commencer le script. Il ne me connaissait pas, c'est donc plus facile de lui pardonner. (grimace) Il y a sans doute une part de vérité dans la manière dont il m'a dépeint sur papier, même si c'est un peu caricatural.

'Control' vous montre comme des gars vachement sérieux, alors que le film de Michael Winterbottom '24 Hour Party People' fait croire que toute cette scène de Manchster était une bonne blague. La vérité se trouve quelque part au milieu de tout ça?

Bernard Sumner: C'est l'autre petit problème que j'ai avec 'Control'. La musique que nous faisions avec Joy Division sonnait très sérieuse, mais ça venait en grande partie de Ian et ses textes. Nous, on adorait faire les andouilles. Hypnotiser des gens, et des trucs comme ça. (rit) Tiens, un autre exemple: lorsque nous sommes devenus un groupe totalement professionnel, on a reçu notre premier set de valises pour le matériel avec le nom 'Joy Division' dessus en grosses lettres. Ce jour-là, on a mis à Ian un casque de moto et des lunettes d'aviateur, et on l'a poussé du haut d'une pente sur l'une des valises. Ca aussi, c'était Joy Division.

Lorsque New Order s'est reformé en 1998, vous avez décidé de rejouer les morceaux de Joy Division pour la première fois en 18 ans. Pourquoi ce changement d'optique?

Bernard Sumner: On était naïfs et stupides, et on s'est dit qu'il serait plus noble, plus éthique de ne plus jouer de morceaux de Joy Division après la mort de Ian. Si on voulait réussir sous le nom de New Order, il fallait qu'on recommence tout, en faisant notre propre musique. Ou comment il est possible de se compliquer les choses un maximum. (rit) Je ne le referais certainement pas. C'était incroyablement stupide de notre part. Je me souviens qu'après la mort de Ian, tout le monde nous trouvait terriblement énigmatiques, parce qu'on n'accordait pas d'interviews, mais c'était surtout parce que tout d'un coup on a dû se mettre à écrire plein de nouveaux morceaux. Quand on a décidé en 1998 de malgré tout rejouer les morceaux de Joy Division, ça a été un véritable soulagement. Ces morceaux sont fucking great.

 

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