Les aficionados de David Lynch connaissent bien l'importance de ces pépites exhumées (les scènes coupées) de la mine lynchéenne, tant l'homme à la mèche déborde d'idées, et de spontanéité. Et ce n'est pas le succès de la récente avant-première organisée à Los Angeles qui va nous contredire.
Mais bien entendu, nous n'allons pas revenir sur cette annonce, en tout cas pas avant d'avoir disséqué en détails le coffret blu-ray tant attendu (d'ici quelques semaines). Par contre, attardons- nous un instant sur la série en soi, sur le phénomène Twin Peaks, car il est clair que si cette ressortie fait couler autant d'encre, c'est qu'à la base le produit est de qualité… et surtout visionnaire.
Diffusée aux Etats-Unis en 1990 et 1991 (La Cinq, chaîne française, prends le pas en 1991), les deux saisons de Twin Peaks vont bouleverser le paysage télévisuel à tout jamais. David Lynch n'est pourtant pas le premier réalisateur de cinéma à se lancer dans l'expérience des séries télévisées (au hasard: Alfred Hitchcock présente…), et des petits malins tels que Steven Bochco (L.A. Law, NYPD Blue…) commencent à insuffler aux séries une autre énergie que les cliffhangers de pacotille des soaps opéras, sans oublier que l'étrange a déjà fait carrière au petit écran, notamment avec Le prisonnier, ou les délires psychédéliques de Chapeau melon et bottes de cuir…
Pour trouver la singularité ultime de Twin Peaks, il ne faut pas se lancer dans un cours d'histoire, mais simplement s'arrêter à David Lynch.
Réalisateur exigeant aux films "bizarres", il parvient pourtant à toucher un public assez large. Dès la sortie de son premier long-métrage, Eraserhead, Lynch attire le regard de Mel Brooks, pourtant connu pour ses comédies loufoques, qui lui confie le soin de réaliser The Elephant Man. Georges Lucas veut se l'approprier pour l'entraîner dans l'aventure Star Wars, Lynch décline l'offre. Même Kubrick cite Eraserhead comme influence…
Mais finalement, Dune mis à part, David Lynch se fie avant tout à ses "visions", à son approche très personnelle du zen et de l'art contemporain, saupoudrée de beaucoup d'amour pour la musique, et se bâtît une carrière unique. Juste après avoir réalisé ses fabuleux Blue Velvet et Wild at Heart, Lynch et son camarade Mark Frost, se lancent dans l'aventure Twin Peaks.
Après un téléfilm moyen, suit la série, qui fait fi de la fin du téléfilm, et nous offre un spectacle inespéré, d'une maturité énorme, mais pas dépourvu d'humour et de clin d'yeux. Lynch et Frost loupent par contre leur rendez-vous suivant: On the Air…
Difficile de nier que si depuis Twin Peaks nous avons pu nous délecter de séries allant des X-files, en passant par Profit, Fargo (produit par les Frères Coen), Trême, True Blood, et autres Carnivale… c’est qu'il était impossible pour les producteurs télévisuels d'en revenir exclusivement aux productions pépères. Un vent de maturité n'a cessé de souffler depuis, rendant possible l'ambition scénaristique, la volonté d'avoir une patte de mise en scène, mais aussi d'attirer des acteurs de cinéma. Prenons pour exemple le plus récent True Detective, où Matthew McConaughey et Woody Harrelson affrontent les recoins les plus obscurs de l'âme humaine.
