Je veux rester dans l'état d'émotion qui m'habite depuis la projection cannoise. Je suis abasourdi et heureux de l'effet que ça a procuré. J'aurais l'impression de bouder ça si je bascule maintenant dans trop d'explications par rapport au film. J'ai décidé, comme disent les jeunes, de kiffer !" Vincent Lindon est encore sous le coup de l'émotion quand nous le rejoignons en début de soirée dans un salon d'un palace cannois. Pater, d'Alain Cavalier, a reçu une ovation de neuf minutes. Donc, avant l'entretien, l'acteur met doucement les choses au point.
Expérimental, drôle, percutant et moderne, Pater a l'audace de mettre en scène l'acteur et le réalisateur dans le plus grand des dépouillements pour aborder la jungle politique et les relations père-fils. A ce jeu-là, Lindon s'abandonne totalement. Il est stupéfiant.
Quel effet de se voir à l'écran sans la façade d'un vrai personnage ?
A la première projection chez Alain, je me suis trouvé laid, gros, sans intérêt et le film incroyablement voyeur. Je l'ai très mal vécu. J'avais l'impression d'être dans un cauchemar. Je n'ai pas dormi de la nuit. Je l'ai revu le lendemain : je l'ai bien pris. Mais ma grande projection, c'est ici à Cannes. J'ai vu le film comme un spectateur.
Je trouve que je disparais plus dans ce film ! Je ne suis pas que moi. Je joue aussi un fils et un Premier ministre. Mais je ne me suis pas posé cette question. On a tourné pendant un an. On l'a fait à deux. On s'est donné beaucoup. Ce film, c'est un gros pan de ma vie. Alain a 110 heures de rushes. Je lui ai fait confiance. Je lui ai donné des choses que je savais qu'il ne montrerait jamais.
Et vous vous livrez au naturel ?
Oui, oui . C'était l'épreuve et j'en suis fier. Fier d'avoir donné autant de ma vie, d'avoir fait confiance à ce point-là. Il n'y a pas de zones d'ombre. Tout n'est pas dans le film mais j'ai tout donné .
Cette expérience singulière vous fait-elle aborder le cinéma différemment ?
Je n'ai pas encore eu le temps de penser à ça. Mais durant ce tournage, j'ai fait La permission de minuit, de Delphine Gleize, le nouveau film de Philippe Lioret et une grosse partie du film de Stéphane Brizé.
J'ai pris la caméra parce qu'il n'y avait pas d'autre choix. Mais jamais Alain n'a fait une remarque sur un de mes cadres. Jamais je n'ai fait une remarque sur son jeu. On n'a jamais dit "moteur" et "coupez". Tout est unique.
Ça change quoi tout ça ?
C'est comme si on voulait se laisser un témoignage à l'un ou à l'autre pour le premier qui partira. Pour que l'autre puisse regarder et se souvenir.
Comment vous êtes-vous choisi ?
Il y a dix ans, j'ai croisé Alain dans la rue. Etant un inconditionnel de son cinéma, je lui ai dit : "Je serais triste de faire ce métier même vieux sans avoir été filmé par vous." Il m'a répondu : "C'est adorable mais je pense ne plus jamais tourner avec des acteurs professionnels. Mais si j'en prenais un, ce serait vous." Un jour, il m'a dit : "J'ai une petite idée..."
Une scène - une photo compromettant un adversaire politique - prend un relief particulier en regard de l'actualité. Quel sentiment cela vous inspire ?
Alain a fait une grande oeuvre artistique. Or toute grande oeuvre artistique a toujours un côté prémonitoire, toujours un pas en avant sur le peuple et sur les années. On a tourné cette scène il y a huit mois. Ça fout les jetons !
Que représente Alain Cavalier ?
Il a 80 ans et est dans une forme incroyable. Il est d'une modernité et d'une jeunesse. Il y a plein de jeunes cinéastes qui n'oseraient jamais un film aussi déluré, atypique, libre. Alain est d'une liberté totale. Je suis content de vivre professionnellement, pour avoir vécu ce film avec lui. C'est aussi quelqu'un de primordial dans ma vie d'homme. Mon référent.
Il parle de vous en disant "fils", dites-vous "père" ?
Je pourrais. Alain dit "fils" parce qu'il n'a pas eu de fils. Moi, j'ai plus de mal à dire "père" car j'ai eu un père dont j'étais éperdument amoureux. Je l'ai perdu et Alain est une suite de mon père.
Dans ce film, vous faites une proposition de programme politique. Quel sentiment avez-vous sur la classe politique ?
C'est facile d'être un homme politique honnête. Il faut être passionné, se lever tous les matins et y aller. Je ne comprends pas qu'ils n'aient pas tous envie de l'être ! Il suffit d'aimer les gens, avoir envie de les aider, s'en occuper, les écouter et ne pas céder à plein de petites conneries.
Après le tremblement de terre, j'ai pris conscience de la beauté fragile du monde. Quand on regarde bien la nature, elle vous apprend à respecter la vie."
le réel s'en mêle
Alain Cavalier et l'affaire DSK
On ne peut qu'y penser en voyant Pater, d'Alain Cavalier, une proposition d'acteur et de cinéaste de jouer un Président et un Premier ministre et d'avancer un programme. Surtout quand, devant une photo compromettant un adversaire politique, Cavalier Président lâche : "Mon Dieu, que l'homme est faible ! Pauvre France !". Nous avons interrogé le cinéaste sur la collision entre ce passage et sa fiction.
Sa réponse : "Je ne pensais pas que ce que j'ai tourné il y a huit mois rencontrerait l'actualité très triste d'aujourd'hui. Mais je suis plus frappé par l'admirable visage de cet homme perdu et détruit qu'on nous a offert à la télévision. Je pense que tous les comédiens devraient regarder ce qu'est un homme perdu et sonné. C'est inimitable. Le croisement avec la scène de la photo compromettant entre deux hommes politiques passe au second plan. Car j'ai une théorie : le plus beau plan du cinéma, c'est un amateur qui l'a donné : Kennedy passant dans sa voiture à Dallas et y trouvant la mort."
Par Fabienne Bradfer
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