La conquête du pouvoir par Sarkozy en fiction. Il fallait oser. Dramaturge et réalisateur, Xavier Durringer l'a fait. Et ouvre une voie en France que le cinéma américain connaît bien.
Pourquoi avoir choisi Denis Podalydès pour jouer Sarkozy ?
En tant qu'acteur, c'est un maestro. Il a une maîtrise d'intelligence politique - il a joué des princes et des rois au théâtre. Il est capable de trouver l'alchimie intérieure d'un personnage. C'est un acteur fabuleux. C'est vrai qu'au début, quand on le voit arriver dégarni, le reste des cheveux en bataille comme un poussin qui sort de l'oeuf, faut imaginer ! Mais on sent vite qu'il a la dynamique et cette capacité, à tout instant, de faire jaillir l'humour et le rire.
Il dit de vous que vous avez une énergie sarkozienne...
Ah, je ne savais pas. Ce n'est pas tout à fait faux. Je suis aussi un affectif qui a une volonté de travailler, d'embarquer les gens avec moi dans une même direction. Pour moi, tous les acteurs doivent jouer une même partition, ce qui n'est pas facile dans un film choral. J'ai tâché que chaque second rôle puisse bien se rendre compte de l'événement. Ca demande une énergie de taureau !
Un genre vous a-t-il inspiré ?
J'ai surtout pensé au cinéma anglo-saxon car qu'est-ce qu'il nous apprend ? La soif du détail. On l'a appliquée à fond. Il y a aussi l'axe de la représentation, comment on se présente devant les caméras et l'axe du film noir. Autrement dit, des films de bande. Où il y a un chef et des porte-flingues. C'est un système pyramidal, où il faut casser les rumeurs, éteindre le feu, attaquer avec des mots à la place des revolvers. C'est presque un western : je filme Chirac ou Villepin face à Sarko les yeux dans les yeux. Personne n'est dupe de l'autre mais en même temps, ils sont en fixité, comme dans un western.
Sarko aujourd'hui, c'est encore le Sarko d'hier ?
A le voir la semaine dernière, à la télé, en bleu de travail Mao dans une usine et, dans la séquence suivante, gravir à vélo une côte dans une cité ouvrière, je me dis : il recommence la même campagne ! C'est hallucinant. Vous savez, mon film raconte 2002/2007 ou comment Sarkozy a séduit 53 % des électeurs. Comment il a fait pour prendre ce pouvoir. J'espère que ce film va créer de la parole et reposer aux spectateurs, et donc aux électeurs, la question de la politique. Quelqu'un qui n'aime pas Sarkozy et ira voir le film, ça ne va pas le faire aimer plus. Mais dans l'autre sens, pareil. On se souviendra du tribun, de l'énergie. Je n'ai pas fait un film de propagande, ni un pamphlet pour noircir ou salir. C'est un memento, fascinant et jubilatoire à faire, sur une période précise.
L'attitude de l'Elysée par rapport au film ?
Je crois qu'aujourd'hui, ils sont très énervés. On nous a laissé faire ce film, maintenant, je pense qu'il pourrait y avoir des difficultés d'acceptation. Sur l'histoire d'amour entre Sarko et Cécilia. Ce sera là le plus agaçant pour Carla et son entourage.
La perruque que porte Denis Podalydès a été faite en Belgique, paraît-il ?
Oui. La plus grande perruquière aujourd'hui, Anne Moralis, est belge. Chaque cheveu a été posé l'un après l'autre. C'est un travail de milliers d'heures. Elle a piqué cheveu après cheveu. Ca rejoint mon souci du détail.
La première image du film montre un homme seul, face à sa réalité. Pourquoi ?
Sarkozy est seul, au lendemain de son élection. Ou presque puisque le film montre aussi comment, bien entouré, à cinq ou six personnes on peut prendre le pouvoir. Mais c'est vrai que ce long travelling du début, où le voit jouer avec son alliance, ça fait Citizen Kane. C'est un de ces grands personnages des films noirs américains dans sa solitude, livré à lui-même.
Cecilia, justement, est un formidable personnage de fiction. Elle incarne parfaitement l'image de la femme moderne.
Pour moi, c'est pratiquement le symbole, la métaphore du couple occidental aujourd'hui. De ces femmes qui vont être dans l'ombre, des Pygmalion pour leur mari, des mamans mais aussi des conseillers, en tout même, qui vont porter leur mari au faîte de la montagne... et finalement, partir avec quelqu'un d'autre. La famille et le travail. Comment ils peuvent s'organiser ou se désorganiser.
Pourquoi est-ce important pour vous que le cinéma français parle de ses hommes politiques comme l'Amérique le fait depuis longtemps ?
Le cinéma français est polymorphe : grosses comédies, comédies intelligentes, films d'amour, films d'époque, etc. Mais le regard sur la société au présent manque. On ne s'attaque pas à cet Himalaya ou en tout cas peu à ce monde politique qui nous dirige. Ca a été fait dans le cinéma anglo-saxon, italien ("Le Caïman", "Il Divo"). On a fait des films politiques français dans les années 70 mais plus rien sous cet angle depuis trente ans.
Pourquoi cette frilosité ?
La protection de la vie privée, déjà, était un gros barrage. Deuxième chose : en France, les financements se font avec les chaînes publiques et souvent, on trouve une frilosité par ailleurs compréhensible sur ce genre de sujet. Mais Sarkozy a lui-même changé la donne et l'image qu'on avait de l'homme politique, souvent avec une sorte de story-telling, et du rapport aux médias. Il l'a peopelisé, starifié. Il a fait plus de couvertures de magazines et de journaux que toutes les pop stars réunies. Il a voulu jouer la transparence à tout prix et cette transparence a permis d'avoir des montagnes d'écrits. Rotman a ainsi pu travailler, retracer des parcours et, surtout, parler de ce que les gens ne connaissent pas : l'impunité politique et les rouages de la politique interne.
Comment avez-vous réglé l'écueil des vrais noms, utilisés dans le film ?
On a travaillé avec des avocats. De toute façon, tout ce qui est dans le film avait déjà été rapporté dans la presse ou dans les livres. Le problème véritable a été d'enchaîner toutes les perles afin de faire un vrai film de cinéma. Et puis, c'est tout le jeu de la démocratie d'autoriser des cinéastes à pouvoir s'emparer de ce genre de sujet qui, finalement, est discuté presque chaque jour dans notre salon.
On est les premiers à le faire, c'est donc une vraie responsabilité. Morale, et éthique. Même si, dans n'importe quel film, la morale existe, on se l'impose dans les scènes d'amour, de sexe, de violence. Ici aussi, nous avions la limite de ce qui acceptable ou non pour soi-même. Par exemple, il y a la responsabilité familiale, il faut veiller à ne pas déborder sur ce cadre. De toute façon, il est ici question de la conquête politique, on reste dans ce tracé-là.
Pour moi qui vient du théâtre, c'est presque un parcours shakespearien. Qui imaginerait écrire qu'une femme puisse quitter un homme alors qu'il tend à la présidentielle, partir, revenir, ne pas voter pour son mari au deuxième tour et puis divorcer quelque mois après l'élection ? Ca n'a jamais existé. Il y avait donc un aspect romanesque, très fort pour le film.
En fait, ce qui aurait dû être de la pure fiction est de la pure réalité.
En effet. Et 99 % est justifié, justifiable et politiquement juste. Tout ce qui se trouve dans le film a eu lieu, parfois dans des lieux différents, forcément : le cinéma oeuvre aussi dans la contraction du temps et il faut trouver la bonne distance par rapport aux protagonistes.
Etre à Cannes avec ce film, c'est une reconnaissance ?
C'est génial. On déplace la problématique du buzz médiatico-politique à une reconnaissance du cinéma. Imaginez cette chance, ce plaisir ! C'est magique et une reconnaissance aussi du travail des acteurs, du script, la musique de Nicolas Piovani, qui a tout de même écrit celle de La vie est belle, de Benigni, des frères Taviani, de Moretti, de Fellini aussi. On reconnaît aussi sa dimension autre que celle d'un documentaire, avec son image glacée, froide, statique. Pour nous, Cannes, c'est vraiment une reconnaissance de l'institution.
Par Fabienne Bradfer
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