Zoom sur les coulisses : le rôle méconnu des décorateurs de cinéma - Actu Cinema

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Zoom sur les coulisses : le rôle méconnu des décorateurs de cinéma

Au cinéma, les acteurs captent la lumière et les réalisateurs signent l’histoire. Mais derrière eux, d’autres mains façonnent l’émotion : celles des décorateurs. Ces artisans de l’ombre conçoivent les décors, choisissent chaque objet, chaque couleur, chaque texture. Leur mission ? Transformer un scénario en univers crédible et immersif. Car un film sans décor n’est qu’un texte nu. Du café rétro d’Amélie Poulain aux couloirs inquiétants de Shining, ces professionnels créent des espaces qui marquent autant que les personnages. Alors, qui sont-ils, comment travaillent-ils et pourquoi leur rôle est-il plus essentiel que jamais à l’heure du numérique ?

Des artisans invisibles mais essentiels

Le décorateur de cinéma – qu’on appelle aussi production designer ou chef décorateur – est un chef d’orchestre discret. Son rôle ? Donner corps au scénario par l’espace. C’est lui qui transforme une simple indication – “une chambre d’enfant” ou “un salon bourgeois” – en décor crédible, chargé d’émotion.

Et ce travail ne se résume pas à poser deux meubles devant une caméra. Il faut choisir des textures, des couleurs, des accessoires… bref, créer un univers entier. Certains vont jusqu’à dessiner des papiers peints sur mesure pour donner une identité unique à un lieu. C’est d’ailleurs là que la frontière avec la décoration intérieure s’amenuise : la recherche d’un papier peint unique peut devenir la clé d’un décor qui restera gravé dans la mémoire du spectateur.

De la lecture du scénario à l’écran

Tout commence bien avant le premier clap. Le décorateur lit le scénario, échange avec le réalisateur, imagine l’ambiance. “Un décor doit respirer la psychologie des personnages”, explique une décoratrice parisienne. Dit autrement : le décor est une extension du personnage.

Ensuite, place aux repérages et aux maquettes. On photographie, on esquisse, on teste des harmonies de couleurs. Les planches d’inspiration circulent comme des moodboards, jusqu’à validation. Puis, l’équipe passe à la construction – parfois des semaines de travail pour une scène de quelques minutes seulement.

Exemple marquant : pour Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, le chef décorateur Aline Bonetto a transformé un café banal de Montmartre en véritable lieu de conte, saturé de rouge et de motifs rétro. Sans ce décor, le film n’aurait pas eu la même poésie.

Créativité et logistique, un double métier

Le décorateur est à la fois artiste et gestionnaire. Artiste, parce qu’il choisit la palette, les matières, les lignes. Gestionnaire, parce qu’il doit composer avec un budget, un timing, une équipe. Sur un tournage d’envergure, il coordonne parfois plus de cinquante personnes : menuisiers, peintres, accessoiristes, tapissiers.

“Il faut être capable de jongler entre un plan de coupe précis et un tableau Excel”, sourit un chef décorateur belge. La magie à l’écran repose sur une organisation millimétrée en coulisses.

Le décor, un personnage à part entière

Certaines œuvres le prouvent mieux que d’autres. Dans Shining, l’Overlook Hotel est aussi terrifiant que Jack Nicholson. Dans Her, les intérieurs minimalistes aux tons chauds traduisent la solitude du héros. Chez Wes Anderson, chaque plan devient un tableau, avec ses papiers peints pastel et ses symétries improbables.

Le spectateur ne s’en rend pas toujours compte, mais il ressent. Le décor influence notre perception d’une scène, même inconsciemment. “Si le décor est juste, on n’y pense pas. S’il est faux, on ne voit plus que ça”, résume un scénographe.

Des figures qui ont marqué le 7e art

Le cinéma a connu ses maîtres. Alexandre Trauner, décorateur d’Hôtel du Nord et de Les Enfants du Paradis, a marqué l’histoire française. Dante Ferretti, collaborateur de Fellini, Scorsese ou Tim Burton, a décroché trois Oscars pour ses visions baroques. Plus récemment, Sarah Greenwood a signé les décors flamboyants de Anna Karenine ou Barbie.

Et la Belgique ? Elle n’est pas en reste. Des décorateurs comme Alina Santos (Girl, Close) ou Benot Debie côté direction artistique ont contribué à faire rayonner une identité visuelle singulière, entre réalisme et poésie.

L’ère du numérique : menace ou opportunité ?

Depuis quelques années, les décors virtuels bousculent la donne. Les écrans LED géants utilisés dans The Mandalorianpermettent de recréer des paysages entiers en studio. Moins de déplacements, plus de flexibilité… mais une question se pose : que devient le rôle du décorateur ?

La réponse n’est pas si simple. Les décorateurs collaborent désormais avec les équipes VFX, créent des environnements hybrides où l’artisanat rencontre la technologie. Les plus optimistes y voient une extension de leur art. Les plus sceptiques redoutent une uniformisation des images.

Entre tradition et futur

En réalité, les deux mondes coexistent. Les films d’auteur privilégient encore les décors réels, construits, palpables. Les blockbusters mélangent décors physiques et numériques. Mais dans tous les cas, l’œil du décorateur reste indispensable. Car même une simulation 3D a besoin d’une intention artistique pour convaincre.

Et puis, avouons-le : un vieux parquet qui craque, une tapisserie défraîchie, une table bancale… ces détails authentiques transmettent une émotion que le numérique peine à reproduire.

Le décorateur de cinéma ne se contente pas de remplir l’espace. Il le raconte, il l’habite, il l’anime. Sans lui, les films perdraient une part de leur chair. Pourtant, son nom apparaît rarement sur l’affiche.

 

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