Qu'est-ce que l'amour ? Une question à laquelle les philosophes, mais surtout le genre de la comédie romantique, tentent de répondre depuis des années. La réalisatrice Celine Song (Past Lives, 2024) s’y essaie également avec son nouveau film Materialists. Lucy, interprétée par Dakota Johnson (The Lost Daughter, 2015), est entremetteuse à New York. Elle doit choisir entre Harry, un partenaire parfait joué par Pedro Pascal (The Last of Us, 2023), ou son ex imparfait John, interprété par Chris Evans (The Avengers, 2012).
Mais est-ce vraiment de cela que parle le film ?
Bien plus qu’un conte de fées classique
Comme le titre le suggère, le film parle de la quête de l’amour dans un monde matérialiste. Lucy, tant dans sa vie professionnelle que privée, évalue ses partenaires potentiels en fonction de leur valeur sur le « marché » et de leur apparence. Son unique objectif : cocher toutes les cases.
En se concentrant sur la vie amoureuse des autres, on découvre peu de choses sur la sienne. Tout ce que l’on sait, c’est que Lucy veut que sa prochaine relation soit avec quelqu’un issu d’un bon milieu. Ayant grandi dans une famille où l’argent posait souvent problème, elle fait tout pour ne plus jamais revivre une telle situation.
Cela semble fonctionner lorsqu’elle rencontre le riche Harry lors d’un mariage… mais elle y croise aussi son ex John, avec qui elle a souvent connu des difficultés financières. On pourrait croire à une comédie romantique typique. Pourtant, au lieu de sombrer dans les clichés, la réalisatrice Celine Song dévoile une facette plus sombre, mais honnête de l’amour – une facette qui ose poser des questions difficiles, même si les réponses sont douloureuses.
A24 comme force invisible
Cette tonalité particulière est sans doute due à la collaboration avec le studio A24, connu pour des films comme MAXXINE (2024), The Brutalist (2024) ou encore Babygirl (2024), qui témoignent tous d’une forte profondeur psychologique. Et Materialists ne fait pas exception.
Même si leur contribution se situe principalement en coulisses, A24 démontre ici que le genre de la comédie romantique a encore un énorme potentiel inexploité.
Un monde régi par le travail, l’argent et la performance
Comme toute vraie matérialiste, la vision du monde de Lucy repose sur trois piliers : le travail, l’argent et la performance. Son métier semble être la seule forme d’amour dans sa vie. Et elle excelle : presque toutes ses mises en relation se soldent par des fiançailles ou des mariages.
Sauf dans le cas de Sophie, une cliente de 39 ans qui, après dix rendez-vous, n’a toujours pas trouvé chaussure à son pied. Lors d’un onzième rendez-vous qui semblait prometteur, l’illusion romantique s’effondre brutalement lorsqu’on apprend que l’homme a agressé Sophie.
Comment cela est-il possible, alors que toutes les cases semblaient cochées ? Rongée par la culpabilité, Lucy est forcée de revoir sa conception de l’amour. Dakota Johnson exprime magistralement toute la complexité émotionnelle de ce bouleversement, notamment à travers ses confrontations poignantes avec Sophie. Grâce à son jeu empreint de vulnérabilité brute et de force intérieure, elle confirme qu’il y a peu de rôles qu’elle ne peut incarner.
Soudain, l’humour perd son côté léger et les dialogues deviennent glaçants, car dans la réalité, d’innombrables femmes ont vécu une situation semblable – et beaucoup d'autres, malheureusement, la vivront encore. A24 et Celine Song donnent la parole à ces femmes tout en lançant un avertissement : à l’ère des applications de rencontre, il est tentant de croire qu’on peut facilement trouver le « partenaire parfait », mais il faut rester lucide sur les risques que cela comporte.
Le courage de raconter des histoires difficiles jusqu’au bout
Le véritable enjeu de Materialists n’est pas de savoir avec qui Lucy finit par être. C’est en exposant sans détour les dangers potentiels de la rencontre moderne que le film crée un espace important de dialogue. Un espace inclusif, qui invite à la réflexion plutôt qu’il ne dicte une réponse.
Ainsi, en tant que spectateur, on a la liberté de redéfinir nous-mêmes ce que signifie aimer. Et même si cette signification varie d’une personne à l’autre, le message universel du film reste clair : l’amour existe si, comme Lucy, nous avons le courage d’être honnêtes – envers les autres, mais surtout envers nous-mêmes.
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