Avec seulement un court-métrage à son actif, le réalisateur franco-japonais Koya Kamura fait ses débuts dans le long-métrage avec Winter in Sokcho. Adapté du roman d’Élisa Shua Dusapin, le film suit le quotidien de Soo-Ha (interprétée par Bella Kim), une jeune femme travaillant temporairement comme cheffe dans une petite pension d’un village côtier enneigé de Sokcho, en Corée du Sud. Sa routine bien établie est bouleversée par l’arrivée inattendue d’un Français, Yan Kerrand (Roschdy Zem), un auteur de bande dessinée en panne d’inspiration. Peu à peu, une relation fragile se tisse entre eux, poussant Soo-Ha à affronter son passé et à questionner son identité.
L’art du silence
Le film adopte une approche subtile pour dévoiler les éléments clés de son intrigue. À l’image du quotidien routinier de Soo-Ha, le spectateur prend le temps de découvrir son univers et les personnages qui l’entourent. Très vite, on apprend qu’elle n’a jamais connu son père français, une absence qui se ressent à travers une alternance poignante de silences et de dialogues. Soo-Ha voudrait en savoir plus, mais sa retenue et sa peur de blesser sa mère l’empêchent de poser les questions qui la hantent. Ici, le silence devient aussi puissant que la parole, révélant ses doutes et ses incertitudes.
L’arrivée de Yan Kerrand marque une rupture dans cette dynamique. À la recherche d’inspiration, il demande à Soo-Ha de lui faire découvrir sa vision de Sokcho. Ensemble, ils explorent des lieux en hauteur, comme des montagnes, ou des endroits isolés, comme la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Ces paysages traduisent parfaitement le sentiment d’isolement qui l’habite. Une relation se construit alors progressivement, chacun devenant un miroir de l’autre : lui, en quête d’un récit ; elle, en quête d’elle-même.
Un jeu avec l’inconnu
À travers ces personnages, le film met en scène une quête inévitable de connexion, non seulement avec les autres, mais aussi avec soi-même. Ce besoin de compréhension est illustré de manière symbolique par une seconde narration en animation, conçue par Agnès Patron. Ces séquences visuelles apparaissent à des moments clés du récit et mettent en images les luttes, les rêves et les espoirs de Soo-Ha, capturés sous la plume de Yan. Un moyen subtil de montrer que, quelle que soit l’issue, leurs destins restent liés.
Mais Winter in Sokcho ne cherche pas à tout expliquer. Koya Kamura laisse au spectateur une liberté d’interprétation, lui permettant de combler les zones d’ombre avec sa propre sensibilité.
La liberté dans l’isolement
C’est dans cette ouverture que réside toute la force du film. À travers l’usage réfléchi des silences, on s’attache profondément au personnage de Soo-Ha, tout en étant invités à projeter nos propres émotions sur son parcours. Plutôt que d’imposer des réponses, le film crée un espace où chacun peut ressentir à sa manière la solitude, l’abandon et les questionnements identitaires. Les performances des acteurs, brutes et sincères, donnent une dimension poignante à ces instants suspendus.
Avec Winter in Sokcho, Koya Kamura nous invite à un voyage intérieur où affronter son passé devient une étape essentielle pour avancer. Et il nous rappelle que, même si certaines questions restent sans réponse, cela ne doit jamais nous empêcher de regarder vers l’avenir.