Critique - Nosferatu : Vieilles peurs plongées dans une nouvelle obscurité - Actu Cinema

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Critique - Nosferatu : Vieilles peurs plongées dans une nouvelle obscurité

Cent ans après la première, Robert Eggers ramène Nosferatu sur grand écran. Sa version est encore plus envoûtante et atmosphérique que l’originale. Bien que l’histoire n’ait rien de nouveau à raconter - c’est, après tout, Dracula - il est peut-être pertinent que ce vampire avide de sang revienne hanter notre époque.

Dans une Allemagne victorienne - ou plutôt wilhelminienne - Thomas Hutter (Nicholas Hoult) se rend au château du comte Orlok pour conclure l’achat d’une maison dans la ville allemande de Wisborg. Mais le comte cache de sinistres intentions, apportant la mort et la destruction. Pendant ce temps, l’épouse de Thomas souffre de visions terrifiantes d’un cadavre vivant qui cherche à la séduire. Avec une voix tremblante, elle murmure : « He is coming ».

Avec Nosferatu (2024), le réalisateur culte Robert Eggers propose un remake du classique allemand du cinéma muet Nosferatu: Eine Symphonie des Grauens (1922). Connu pour ses chefs-d’œuvre comme The Witch (2015), The Lighthouse (2019) et son épopée viking The Northman (2022), Eggers excelle dans la création d’atmosphères immersives, faisant de lui le choix idéal pour réinventer ce film de vampires emblématique.

Ancien, mais sincère

Pour ceux qui connaissent la version de F.W. Murnau, une adaptation non autorisée de Dracula de Bram Stoker, cette nouvelle interprétation n’apportera rien d’original. De même, les amateurs des nombreuses adaptations officielles de Dracula ne seront pas surpris par l’intrigue ou les personnages.

Cependant, la brillante distribution donne une profondeur qui rend ces deux heures et treize minutes captivantes. Les acteurs se heurtent parfois à un script quelque peu cliché. Lily-Rose Depp, par exemple, ne dépasse pas le rôle stéréotypé de l’épouse hystérique et enfantine. Malgré sa performance fascinante, on peut se demander si une interprétation plus moderne de son personnage n’aurait pas été possible.

Cela dit, ce choix s’inscrit parfaitement dans l’approche hyper-authentique d’Eggers. Tout comme les dialogues archaïques de The Witch et The Lighthouse, ceux de Nosferatu plongent le spectateur dans un mélange déroutant et magnétique.

L’optimisme du progrès

Outre les performances, c’est la signature visuelle d’Eggers qui impressionne. Le réalisateur infuse chaque plan d’une richesse de détails qui maintient chaque image fraîche et crédible. Il place son public dans un état d’hypnose, rendu possible par les techniques cinématographiques modernes : caméras agiles, animation numérique et design sonore sophistiqué.

Alexander Skarsgård, qui incarne Orlok, s’appuie sur des respirations rauques, des bruits de déglutition répugnants et des grognements viscéraux. Ces outils enrichissent une interprétation rendue encore plus sinistre par des couches de maquillage complexe. À l’inverse, Max Schreck, le comte Orlok de l’original, devait se contenter d’yeux exorbités et d’un maquillage rudimentaire.

Alors que Murnau avait filmé principalement en extérieur pour des raisons de budget, Eggers recrée une ville allemande wilhelminienne avec des modèles 3D impressionnants, soutenus par une équipe de 40 spécialistes en effets visuels. Ainsi, la ville de Wisborg prend vie, avec l’ombre griffue d’Orlok s’étendant sur les toits, tandis que la caméra plonge littéralement dans son château.

L’histoire se répète

Mais malgré le spectacle visuel et sonore offert par Nosferatu (2024), une question persiste : pourquoi raconter cette histoire encore une fois ?

Le Nosferatu de 1922 a souvent été interprété comme une réflexion sur les tensions sociales de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres : une montée de l’antisémitisme, de la xénophobie et de l’homophobie. Ces idéologies nazies ont culminé dans une prise de pouvoir quelques années plus tard. Eggers suggère-t-il que l’histoire se répète ?

Dans Nosferatu (2024), les caractéristiques grotesques d’Orlok ne sont plus explicitement associées aux stéréotypes antisémites, mais son lien avec un symbole occulte reste flagrant : une étoile à six branches, évoquant l’étoile de David. Le monstre s’attaque indistinctement à des hommes, des femmes et des enfants, et apporte une peste qui ravage Wisborg.

Ces thèmes évoquent une rhétorique contemporaine alarmante : la représentation des étrangers comme porteurs de maladies, l’assimilation des communautés LGBTQ+ à des menaces sociétales, ou la diabolisation des religions. Peut-être que ce remake est une mise en garde voilée.

Sous les couches de maquillage de Skarsgård - et sa moustache pornographique - réside une peur profonde de l’Autre. De la même manière, derrière chaque image soigneusement construite, se cache une angoisse universelle. Innovant, Nosferatu (2024) ne l’est pas, mais captivant, il l’est indéniablement.

Découvrez la programmation de Nosferatu dans les cinémas proches de chez vous.

 

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