Comment Challengers redonne vie au thriller érotique
Douleur et plaisir : deux expériences incontournables de notre culture de consommation moderne, mais aussi les piliers d’un sous-genre cinématographique perdu, le thriller érotique. Ce genre, pionnier des conflits entre pouvoir et désir, a marqué les esprits avec des œuvres comme Fatal Attraction (1987), Basic Instinct (1992), Eyes Wide Shut (1999), ou encore des films locaux comme Loft (2008). Ces histoires tiennent le spectateur en haleine, captif de ses propres désirs et des dilemmes qu’ils entraînent.
Aujourd’hui, se réapproprier cette frontière entre douleur et plaisir offre aux cinéastes l’opportunité d’ouvrir un nouveau champ narratif, porteur d’une révolution dans l’art de raconter. Pour moi, Challengers (2024), réalisé par Luca Guadagnino, est, après Deep Water (2022), le film le plus récent à insuffler une nouvelle vie à ce genre oublié. Ce qui débute comme un jeu innocent entre deux amis se transforme rapidement en une dangereuse lutte de pouvoir.
Le point de départ ? Tashi Duncan, joueuse de tennis professionnelle, remarque que Patrick Zweig et Art Donaldson sont tous deux attirés par elle. Pour attiser leur ambition et leurs désirs, elle les pousse à s’affronter lors d’un match de tennis. Le prix ? Son numéro de téléphone. Dès la première balle, l’amour se soumet aux règles du jeu, déclenchant une rivalité féroce entre les trois personnages.
“This is a game about winning the points that matter”
Le désir de victoire est omniprésent, moteur de chaque décision. Des années plus tard, on retrouve Tashi, devenue entraîneuse de son mari Art après une blessure ayant mis fin à sa carrière. Mais les tensions resurgissent lorsque Art doit affronter Patrick, l’ex de Tashi, dans un tournoi décisif. Les frontières s’effacent, mais une obsession demeure : gagner, à tout prix.
Cette quête effrénée de victoire est emblématique du genre. Né à la fin des années 80, le thriller érotique brisait les tabous d’un cinéma conventionnel, offrant une version évoluée du film noir. Ces œuvres se distinguaient par leur manière unique d’utiliser la sexualité non comme une fin en soi, mais comme un outil narratif servant un objectif plus grand. Elles mettaient souvent en scène une femme fatale, à la fois survivante et victime, face à un personnage à la vie ordinaire. Cette formule magique se retrouve dans Challengers.
Un triangle explosif
Dans le film, Tashi orchestre une relation triangulaire qui mène Patrick et Art à une lutte obsessionnelle, autant pour son attention que pour surpasser l’autre. Tashi lance la première balle, mais ce sont les hommes qui doivent terminer le jeu. La force du film réside dans ces moments : les regards intenses sur le terrain, les gestes fugaces en coulisses, les dialogues ambigus. La tension se cache dans ce qui reste non dit.
“What makes you think I want someone to be in love with me?”
Autre élément clé du thriller érotique : la violence. Loin d’être gratuite, elle est ici mêlée à l’amour dans une fine exploration de leurs multiples formes. Challengers mêle la violence compétitive sur le terrain à des scènes plus intimes, jusqu’à un point culminant dans une voiture entre Tashi et Patrick, où passion et tendresse s’entremêlent.
Mais Tashi incarne aussi les dangers de la sexualité instrumentalisée. Elle ne sait pas comment réagir face à l’amour sincère de son mari, utilisant plutôt le sexe comme une arme pour simuler un contrôle sur sa vie. Pour elle, le tennis est la seule chose qui lui offre une illusion d’amour. Gagner sur le court équivaut à gagner dans la vie.
Un dénouement ouvert
Le tournoi entre Patrick et Art se termine sur un match nul, laissant Tashi face à son pire cauchemar. Ironiquement, le film revient à son point de départ : personne ne gagne, Patrick et Art retrouvent leur amitié, et Tashi reste indécise. Comme Basic Instinct (1992), Challengers laisse son public sur une fin ouverte, riche en ambiguïté et prête à être analysée.
Porté par les performances magistrales de Zendaya, Josh O’Connor et Mike Faist, le film modernise ce genre tout en rendant hommage aux classiques des années 80 et 90. Pour moi, jeune étudiante en cinéma, Challengers représente le package complet. Mais même pour les spectateurs plus âgés, c’est un clin d’œil réjouissant à un genre cinématographique qui mérite de renaître.
À propos de Federica Alexakis
Je suis Federica Alexakis, étudiante en troisième année de cinéma et télévision à la Luca School of Arts, C-Mine Genk. Mon ambition est de créer des films et des séries centrés sur les personnages, car je pense que leur profondeur est la plus grande force de l’industrie cinématographique.
Passionnée par l’analyse cinématographique, j’ai réalisé plusieurs essais vidéo, explorant les messages sous-jacents des œuvres audiovisuelles. Je m’efforce de transposer cette approche analytique dans mes scénarios et ma réalisation, espérant évoluer vers une carrière de scénariste, critique ou réalisatrice.