Sur le tournage de… « The Barefoot Emperor », part 1

En octobre dernier, Cinevox était invité à visiter le tournage de The Barefoot Emperor de Peter Brosens & Jessica Woodworth, la « suite » de King of the Belgians, odyssée burlesque contant l’épiphanie de Nicolas II, Roi des Belges, alors même que son pays est sur le point d’éclater.

On retrouve la joyeuse troupe quelques jours plus tard en termes de récit (quelques mois en termes de tournage), aux portes d’une Nova Europa pour le moins inquiétante, où les extrêmes droites en tous genres s’emparent peu à peu du pouvoir, jusqu’à envisager un nouvel empire… 

Voici notre carnet de bord en 3 parties de ces quelques jours en Croatie, au bord de la Mer Adriatique.


BRIJUNI, SAMEDI 6 OCTOBRE 2018

« Vous êtes venus avec le mauvais temps, d’habitude il fait beaucoup plus beau que ça! », nous informe Bruno Georis.

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Après la pluie, le beau temps: lever de soleil sur Brijuni…

 

Des trombes d’eau s’abattent sur la petite baie qui s’étend au pied de l’hôtel Karmen, seul hôtel de l’île de Brijuni, chasse gardée de Tito, réserve naturelle au coeur des bouleversements politiques de la deuxième partie du XXe siècle. C’est là en effet que le chef d’état mégalomane slash dictateur prenait ses quartiers d’été (et même plus encore) et recevait les grands de ce monde. Véritable petit paradis à ciel ouvert, l’île est aujourd’hui encore préservée, aussi bien sur le plan de la nature que de l’histoire. Au détour d’un drôle de safari, on y croise même Lanka, éléphant offert par Indira Gandhi.

The Barefoot Emperor est le premier film tourné sur l’île. Les cinéastes et la production ont su convaincre le gouvernement et l’armée croates, à qui appartient l’archipel, de les y laisser tourner, une gageure en soi…

Samedi matin, donc. Après avoir débarqué la veille au soir sur l’île, on s’apprête à rencontrer une partie de l’équipe. Notre mission: essayer en interviewant trois de ses protagonistes d’en savoir un peu plus sur le film, dont on ne connaît pour ainsi dire que le titre en forme de prophétie.

« C’est une île assez étrange ici, comme le scénario… » nous dit d’emblée Bruno Georis. Et pour cause. Après avoir été victime d’un attentat, l’ex Roi des Belges est rapatrié dans un sanatorium un peu étrange, coupé du reste du monde, où sa convalescence est surveillée de près. Toujours accompagné de son escadron de « fidèles serviteurs » (son attachée de presse – Lucie Debay -, son chef du protocole – Bruno Georis -, et son valet – Titus de Voogt), il rencontre d’étranges personnages, Lady Liz (Geraldine Chaplin), qui n’a peut-être pas tout à fait toute sa tête, et le Dr Kroll (Udo Kier), chef de cet inquiétant sanatorium, qui semble quant à lui avoir de drôles de desseins pour le Roi déchu. Et si ce dernier devenait le premier Empereur de la nouvelle Europe?

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Tournage « The Barefoot Emperor ». Copyright: Nedelcho Hazarbasanov

 

Bruno Georis rendosse le costume de Ludovic Moreau, chef du protocole du Roi. « The Barefoot Emperor, c’est la suite de l’odyssée à 4 personnages qu’était King of the Belgians. Le premier film était peut-être plus aérien, on n’est plus dans le mockumentary. Ce qui reste, c’est que l’on joue les situations burlesques de façon très réaliste. Mais la mécanique de précision est plus forte ici. On va vers quelque chose de plus grave que le premier. »

Même écho chez Lucie Debay, qui nous parle des « tableaux » composés par les cinéastes, de véritables pièces d’orfèvrerie dans lesquels le défi des comédiens consiste à « respirer juste ». « C’est un film beaucoup plus politique, qui flirte avec un côté très noir, très sombre, explique-t-elle. Il y a un dosage subtil d’humour et de gravité. Le premier film était un voyage initiatique, ici on est dans une satire politique beaucoup plus radicale. »

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The Barefoot Emperor – Copyright: Nedelcho Hazarbasanov

 

Le film semble offrir une chambre d’écho grotesque aux mouvements à l’oeuvre dans l’Europe et dans le monde, à la radicalisation populiste qui s’abat sur le Vieux Continent. Forcément, le sujet est abordé sous le mode de la satire, mais il n’en est pas moins terriblement actuel. « Il faut faire ce genre de cinéma, il faut être le reflet des temps où l’on vit! » insiste la grande comédienne Géraldine Chaplin, qui semble s’être intégrée avec souplesse et enthousiasme dans cette petite troupe formée sur le tournage du premier film, en Bulgarie.

 

Alors qu’elle confie avoir adoré King of the Belgians, elle loue la méthode de travail des cinéastes: « Peter et Jessica écrivent bien sûr le film en amont, mais sur le tournage, il y a un moment où le film finit par prendre sa propre énergie. Ils changent beaucoup de choses sur le plateau, ce qui est parfois un challenge, mais ils se trouve qu’il sont toujours raison, c’est dingue! Dans le coeur comme dans le cerveau. »

 

Un son de cloche que l’on retrouve chez Bruno Georis (« Peter & Jessica ont une manière de travailler très organique. »), et chez Lucie Debay: « C’est un projet au long cours, les cinéastes nous invitent à réfléchir avec eux, on est venus sur l’île avec les autres comédiens il y a un an pour faire des improvisations autour de l’évolution des personnages, nourrir le récit et le nouveau scénario. On voit que les personnages évoluent avec nos propositions, c’est extrêmement stimulant. Ils ont une souplesse dans l’inconnu, ils accueillent avec intérêt ce qui arrive, pour le bien de l’histoire. En fait, j’ai l’impression qu’ils se donnent la liberté de provoquer des accidents. »

Affaire à suivre le lendemain soir lors de la visite du plateau…

 

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