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Stéphane, ancien photographe de mode, vit seul avec sa fille Marie dans un grand manoir en banlieue. Chaque jour, Marie devient son modèle pour recréer des photographies teintées du charme désuet du passé grâce à un appareil impliquant de longues et fastidieuses séances de pause, le daguerréotype. Jean, recruté comme nouvel assistant photo va découvrir cet univers obscur et bien vite comprendre que Marie devra être sauvée de cette entreprise toxique.
Le secret de la chambre noire est un drame réalisé par Kiyoshi Kurosawa (Shokuzai, Cure, Tokyo Sonata). Cette fiction sombre et poétique, réalisée tout en délicatesse, épouse la passion de la photographie avec des plans d’une grande beauté, du chef opérateur Alexis Kavyrchine et une ambiance envoûtante accentuée par les décors anciens comme ce vieux manoir qui paraîtrait presque vivant tant il grince avec ses portes qui s’y ouvrent sans raison. C’est aussi une réflexion finement menée sur la vie et la mort. Les fantômes nous poursuivent-ils ? Que retient réellement la reproduction photographique de l’âme humaine ?
Stéphane, Olivier Gourmet, L'Exercice de l'état de Pierre Schoeller, expliquera à Jean, Tahar Rahim, Un prophète de Jacques Audiard, en montrant le résultat d’une séance de pause de Marie que « C’est son être même qui est fixé sur la plaque argentique ». Le jeune et novice assistant, Jean, va être recruté pour sa sensibilité, précisément parce qu’il n’a pas étudié dans une école de photo. Constance Rousseau, L'année prochaine de Vania Leturcq, incarne parfaitement Marie, la fille de Stéphane. Son visage fin, son physique fluet et son teint diaphane lui permettent de se transfigurer sur les reproductions photo de manière crédible en beauté à l’ancienne affublée d'une robe longue façon 1900. Olivier Gourmet interprète Stéphane, un homme bourru et torturé qui, pour éviter de sombrer à la mort de sa femme, s'obstine à s'accrocher au passé en cherchant sans cesse et désespérément des réponses semble-t-il dans la photographie. Pour ce faire il use de cet ancien procédé qu’est le daguerréotype, quitte à imposer de longues et douloureuses poses à sa fille.
La mise en scène est très posée, avec de nombreux plans séquences, l’histoire s’y installe, on sent l’ambiance de ces lieux chargés d’histoire et le temps qui s'y écoule. On ressentirait presque la nature dans le jardin tant elle est mise en valeur. Le vieux manoir, lieu d’ombres et de lumières habité par Stéphane et sa fille Marie nous envoûte totalement, lieu où le bois craque et le moindre coup de vent se fait sentir et ferait douter les plus cartésiens.
Le secret de la chambre noire est extrêmement intéressant par son mystère, son ambiance liée aux lieux chargés du passé et à l’histoire de cette famille. L’insertion du personnage qu'est Jean au sein de ce milieu fragile va forcément dénaturer un équilibre précaire. Kiyoshi Kurosawa intègre des réflexions essentielles sur la photographie nous rappelant les écrits de Roland Barthes et notamment La chambre Claire avec ses réflexions sur le lien de la photographie à la mort et le rendu de son objet, d’une manière indiscutable et précise.
Stéphanie Lannoy - Madamefaitsoncinema.be
