Voilà qui pourrait être intéressant: demander au public à la sortie de Miss Julie ce qu’il pense du comportement du butler, John. Fait-il usage de mots tendres et de déclarations romantiques afin d’imposer sa volonté à Miss Julie, membre de la haute société? Ou est-il sincère et son attitude se justifie-t-elle par l’illusion de la disparition de la supériorité de la belle?
Deux positions qui forment la question centrale de cette pièce de théâtre écrite par le dramaturge suédois August Strindberg il y a 125 ans. Miss Julie ne rêve que d’éliminer la différence de classe entre elle et John, alors qu’il sait très bien que ce rêve ne peut être chéri que par une enfant riche, choyée et naïve. Du coup, un jeu pervers de séduction et d’humiliation se développe, au sein duquel les rapports de force ne cessent de s’inverser.
Pardonnez-moi si tout ceci sonne trop pompeux. Car si Miss Julie est tout sauf un repas léger, le spectateur n’a aucune peine à comprendre ce qui se passe. La réalisation carrée de Liv Ullmann (seules quelques pièces au sein d’une même maison, trois acteurs) et surtout des acteurs d’acier (Colin Farrell, Jessica Chastain et Samantha Morton, tous trois impeccables) vous mènent habilement à travers ce champ de mines social.